[Instituto de Balística] Stop à la guerre ! Anti-impérialisme ou lutte des classes ?

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/ GUERRE de CLASSE / Nous publions ici une contribution provenant d’un collectif basé au Mexique, qui s’intitule « Institut de balistique ». Ce texte, bien que ne portant pas véritablement le fer de la critique au cœur du problème, n’en dénonce pas moins l’anti-impérialisme qui revient à la mode, ainsi que le « campisme » qui va avec, comme fausse alternative et réponse bourgeoise au cours vers la guerre généralisée qui se développe sans discontinuer. Plus que jamais, notre communauté de lutte et de critique prolétarienne a besoin de rompre l’isolement et d’établir des contacts entre ses membres militants (groupes, collectifs, individus, associations, instituts…) et de les renforcer, afin de développer plus avant notre réponse de classe, notre perspective communiste (et anarchiste) envers et contre « l’existant » : ce monde de la mort qui tente une fois de plus, encore et toujours, de nous engloutir dans ses projets de plus d’exploitation et de guerre, de soumission et de destruction…

Ce « petit » texte de « l’Institut de balistique » n’est évidemment pas « parfait », aucune contribution ne l’est d’ailleurs. Nous nous sommes même arrachés les cheveux lorsque ces camarades se réfèrent à une « faillite » de la deuxième internationale ou encore que « les partis ouvriers et les syndicats » auraient été « absorbés » par la social-démocratie, alors qu’ils en ont toujours été le moteur.

Nous avons également décidé de retirer toutes les notes de bas de page ainsi que les liens vers d’autres sites (souvent et uniquement en espagnol, pour une publication que nous voulions multilingue). De plus, un des liens renvoyait vers un site trotskiste de la « quatrième internationale » qui affirme clairement dans un de ces derniers appels : « Nous condamnons l’attaque israélienne contre l’Iran et nous soutenons la riposte iranienne » !!! Amis de la contradiction et de la confusion, bonsoir… Il était évidemment inimaginable pour nous de publier de tels liens, nous les avons donc totalement éliminés de notre publication.

Ce problème a initié une discussion parmi nous sur notre positionnement par rapport aux diverses « internationales ouvrières » qui ont existé durant l’histoire des luttes de classe. L’internationalisme et l’associationisme prolétariens ne se déclinent pas suivant le tempo impulsé par les Ramones : One, Two, Three, Four! Expliquons-nous donc…

La « première » internationale, l’Association internationale des travailleurs (AIT), fut une (faible mais) véritable tentative d’organiser et d’associer les prolétaires au niveau mondial dans une période de montée des luttes ouvrières, regroupant à la fois de véritables révolutionnaires : marxiens, bakouniniens…, elle acceptait également dans ses rangs tout un assortiment de divers réformistes du capital et autres « aventuriers » : mazziniens, proudhoniens, mutualistes, trade-unionistes, etc. L’affrontement entre les dynamiques de révolution et de contre-révolution durant ce qu’on appelle communément « La Commune de Paris », et la défaite de notre classe, marquera la fin de cette première tentative de regroupement international des forces vives du prolétariat.

Les trois internationales suivantes ne furent successivement que des internationales de la contre-révolution en pleine restructuration et du désarmement (tant programmatique que « militaire ») de notre classe.

Est-il bien utile de démontrer en quoi la « deuxième » internationale, ladite « Internationale socialiste » (IS), n’était que la montée en force de toutes les puissances organisées de la social-démocratie, c’est-à-dire du parti bourgeois à destination des prolétaires !? Partis « ouvriers », syndicats et trade-unions, coopératives, mutuelles, ad nauseam seront les garde-chiourmes de la classe ouvrière et les outils nécessaires à l’anéantissement des capacités subversives de notre classe. Se basant sur les faiblesses de nos luttes, la social-démocratie parviendra à internaliser son projet de réforme du capital et à mobiliser ainsi derrière son drapeau toujours plus de militants issus de nos rangs. Nous saluons les nombreux camarades de notre classe qui ont eu le courage et la lucidité de rompre avec cette organisation de la contre-révolution et de la dénoncer pour ce qu’elle était (et est toujours), dès ses premières années de malfaisance : les Johann Most et Domela Nieuwenhuis, les Jungen en Allemagne, les Tribunistes en Hollande, etc.

La « troisième », dite « Internationale communiste » (IC), n’était rien d’autre qu’une création dès le départ de l’État capitaliste en Russie, repeint en rouge, restructuré par le parti bolchevik et qui imposait la dictature SUR le prolétariat ! Ici aussi, nous saluons les camarades qui se sont opposés à cette expression, la plus radicale, de la social-démocratie historique et qui ont mené (avec leurs forces et leurs faiblesses) la lutte pour la véritable dictature DU prolétariat et contre cette internationale de la contre-révolution : les KAPD, les gauches communistes bulgares, belges, anglais, etc.

Quant à la « quatrième » (et son rejeton relativement récent la « cinquième »), qui ne représente qu’une infime partie du « large » spectre du trotskisme international, elle n’est que le prolongement logique de la « troisième » : rien d’étonnant d’ailleurs qu’elle ait soutenu « critiquement » (sic !!!) durant la guerre un camp bourgeois impérialiste contre un autre, l’URSS stalinienne (« État ouvrier dégénéré », sic !!!) contre l’Allemagne hitlérienne, ce qui au surplus n’a pas empêché certaines de ses sections en France de collaborer avec le régime de Vichy pendant quelques mois… Le trotskisme continue d’ailleurs à soutenir partout un « moindre mal » dans tous les conflits actuels : l’Iran contre Israël, l’Ukraine contre la Russie, ou le contraire la Russie contre l’OTAN, ad nauseam. Et ici encore, nous saluons les camarades des RKD, des OCR, etc. qui ont développé une véritable activité internationaliste et mené la lutte contre cette internationale de la contre-révolution en refusant d’intégrer celle-ci dès sa fondation en 1938 et pendant toute la « seconde » guerre mondiale…

La seule autre Internationale dont nous reconnaissons le caractère véritablement prolétarien et communiste est hélas quasiment mort-née, c’est la KAI (en français : l’ICO, l’Internationale communiste ouvrière) fondée en 1922 par les militants qui ont rompu avec l’IC. Nous disons « mort-née » car elle émerge d’un long processus de rupture d’avec toutes les formes organisées de la contre-révolution avec la prétention d’être une Internationale « des masses révolutionnaires » (dixit le KAPD), alors que le sommet de la vague de lutte est déjà atteint et dépassé et qu’on assiste mondialement à un reflux manifeste de la dynamique révolutionnaire. C’est l’entrée dans la phase dite de « sectarisation » : les groupes et partis communistes révolutionnaires s’affaiblissent numériquement, ils se divisent en plusieurs tendances, ils luttent les uns contre les autres, etc. La plupart disparaitront, les autres se fossiliseront et mettront en avant une « alternative » aux partis bolcheviks : les « conseils ouvriers » et le conseillisme. Ici aussi, partout comme ailleurs, c’est la forme qui l’emporte sur le contenu de l’associationisme prolétarien !

Ceci étant dit, place donc au texte de « l’Institut de balistique », bonne lecture et n’hésitez pas à centraliser avec nous vos critiques, commentaires, suggestions…

GdC.

Stop à la guerre ! Anti-impérialisme ou lutte des classes ?

Source en espagnol : https://insurgenciamagisterial.com/parar-la-guerra-anti-imperialismo-o-lucha-de-clases/

Encore une nouvelle guerre…

1/ La campagne militaire israélienne en Palestine n’a pas seulement un caractère féroce, elle présente aussi des attributs racistes et de nettoyage ethnique, de sorte qu’il n’est pas exagéré de la qualifier de pratique génocidaire entrer pour autant dans des débats statistiques. Cependant, sa nature n’a rien d’exceptionnel ; il s’agit d’une entreprise sociale de destruction comme tous les autres conflits guerriers modernes, dont le but ultime est la conquête du territoire de la bande de Gaza d’abord, et de la Cisjordanie ensuite.

2/ Aussi poignantes que soient les images, cela ne change rien au fait qu’il s’agit d’une guerre de plus du capitalisme. Même si les modalités peuvent changer, tantôt pour les matières premières, tantôt pour l’expansion du marché ou, comme dans le cas présent, pour un espace à partir duquel se positionner dans la guerre entre empires.

3/ Les événements qui ont commencé en octobre 2023 ont déclenché un réajustement de la géopolitique du Moyen-Orient et du monde, mais la géométrie traditionnelle ne suffit pas à l’expliquer. Le capitalisme a connu plusieurs vagues de mondialisation réussies, depuis le commerce maritime du 16ème siècle jusqu’à la conquête du rideau de fer soviétique à la fin du 20ème siècle. Aujourd’hui on peut affirmer qu’il domine tous les coins de la planète et qu’il n’y a plus d’adversaires régionaux, étant donné que la seule opposition à la bourgeoisie pourrait être le prolétariat insurgé et celui-ci ne « règne » nulle part dans le monde (et encore moins en Chine).

4/ Les régimes auxquels on attribue généralement une certaine différence, que ce soit en raison de leur forme ou par leur culture, n’en restent pas moins capitalistes. Il n’y a pas de « vide » à sauvegarder. La production matérielle de la vie dans l’endroit le plus reculé de la planète fait déjà partie d’une chaîne de valorisation, et son produit est nécessairement géré par la bourgeoisie qui domine ce territoire à travers sa forme politique, l’État. Les images de Rafah avant la guerre le démontrent, avec son commerce de marchandises sous le contrôle policier non seulement de l’armée sioniste, mais aussi de la police de l’ANP ou du Hamas.

Et qu’en est-il de nous ?

5/ Comment se positionner face aux guerres capitalistes est une question qui divise les éléments organisés du prolétariat depuis deux siècles, parce que nous considérons qu’il n’existe pas de lutte nationale, étant donné que les deux classes sont mondiales, et que nous, prolétaires, sommes des camarades qui luttons partout dans le monde. Des slogans comme « si vous luttez ici, vous luttez là-bas » ne sont pas seulement des vers, ils expriment une réalité matérielle.

6/ Les formes de solidarité se sont adaptées aux conditions historiques de chaque guerre. Au début, c’étaient des hors-la-loi romantiques à la Bakounine qui parcouraient le monde pour soutenir des soulèvements, de Paris à Bologne ou Cuautla. Mais à l’époque de la IIe Internationale, les partis ouvriers et les syndicats les ont mis au centre de leurs discussions. Ne pas participer à la guerre, mais arrêter sa machine était un devoir pour les révolutionnaires, et pour cela une grève générale internationale devait être déclenchée. Dans la pratique, tous ces efforts ont échoué, car ces organisations ont été absorbées par leurs ennemis. La social-démocratie n’est pas la seule à approuver les déclarations de guerre, même certains patriarches de l’anarchisme déclarent qu’il est préférable que la guerre soit gagnée par les Alliés (ces démocraties qui exécutent les révolutionnaires à la moindre provocation).

7/ Cependant, en 1918, au milieu du carnage mondial, le premier assaut prolétarien commença par des mutineries et des désertions de conscrits sur les deux fronts. Ce que les bolcheviks et les spartakistes appelaient le « défaitisme révolutionnaire », qui n’est rien d’autre que le fait pour les soldats de retourner leurs armes contre leurs généraux pour arrêter la guerre, a été la leçon la plus importante de cette période.

8/ Après la Seconde Guerre mondiale, cette consigne a totalement changé. Comme il y avait deux camps, les pays coloniaux devaient avoir un caractère progressiste et la défaite des métropoles devait déclencher des processus révolutionnaires de part et d’autre. C’était le cas pour les partisans en Europe, les maoïstes en Asie, les panarabistes, les africanistes et les latino-américains. Le projet de libération nationale a perduré pendant trois décennies.

9/ La solidarité est une pratique largement répandue dans le prolétariat partout dans le monde. Qu’il s’agisse de fournir des ressources (financières ou humaines) par l’intermédiaire de leurs bureaucraties militantes respectives (comités de soutien au tiers-monde), qu’il s’agisse de condamner moralement et d’appeler à une paix abstraite (hippies et new age) ou, dans certains cas, de remettre en question le rôle de leur propre bourgeoisie, en tant qu’agresseur ou complice. La consigne Bring the War Home (« ramener la guerre à la maison ») synthétise la leçon du 2ème round.

10. Le fait est que ces processus anticoloniaux ont été rapidement détournés et, dans certains cas, ont créé des territoires de domination et de despotisme pour de nouvelles bourgeoisies locales (souvent sous forme militaire) ou ont établi de nouveaux liens avec un camp impérialiste, soit l’URSS, soit les États-Unis. Dans la plupart des cas, les groupes révolutionnaires ont été liquidés et le prolétariat démobilisé pour retourner à la production.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

11/ Le conflit au Moyen-Orient nous permet de réfléchir aux limites des positions actuelles sur la guerre. Bien qu’il existe quelques dérives comme la gauche allemande prosioniste, nous savons que le rejet de cette guerre est massif dans la population, mais qu’il s’exprime sous la forme d’un moralisme sentimental (certes positif mais insuffisant) et qu’une attitude dangereuse prévaut encore au sein des organisations militantes : le défensisme, qui consiste à prendre le parti d’un des camps étatiques du conflit.

12/ Cet anti-impérialisme part du principe qu’il existe de bonnes et de mauvaises nations, alors qu’en réalité il n’y a que des nations fortes et des nations faibles. Qu’elles soient en guerre – Ukraine vs. Russie ou Israël vs. Iran, ou encore prochainement Etats-Unis vs. Chine – leurs gouvernements respectifs oppriment leur population et leurs armées se transforment à tout moment en tortionnaires internes. Les travailleurs de ces nations passent du statut de bêtes de somme [chair à patrons] à celui de chair à canon.

13/ L’offensive déclenchée par le régime criminel de Netanyahou sur Téhéran a ramené ces voix dans l’arène. Les appels à défendre le régime des ayatollahs oublient à la fois l’origine et la fonction de cette théocratie, la contre-révolution islamique. En 1979, il y a eu un énorme soulèvement de masse pour renverser le Shah, mené par les conseils ouvriers (shoras) qui visaient non seulement à un changement politique mais aussi une révolution sociale. La bourgeoisie a dû alors se tourner vers Khomeini et son groupe politique pour le canaliser et maintenir la stabilité nécessaire au développement capitaliste en Perse. Leur prétendu anti-impérialisme s’est effondré lorsqu’ils ont lancé cette guerre sainte contre l’Irak du parti Baas.

14/ Aujourd’hui, l’Iran s’est construit une image de « résistance » à l’Occident à travers son conflit avec les Etats-Unis, mais au fond il ne s’agit que d’une guerre économique de plus, dans laquelle les ayatollahs, à travers leur soutien aux milices islamiques, comme au Liban et en Palestine, construisent un front régional et massacrent les populations kurdes. Peu avant ce conflit, le gouvernement a été fortement contesté par sa population, notamment par des manifestations contre la police des mœurs à la suite de la mort d’Amini, qui est désormais enterrée au milieu des appels à l’unité nationale, comme cela s’est produit avec les opposants de Netanyahou à Tel-Aviv.

Non à la guerre sauf la guerre de classe

15/ Appeler à défendre la petite nation pour briser l’empire est une stratégie non seulement absurde, mais aussi inutile, qui a même conduit à s’enrôler sous la dictature de Videla en Argentine ou en faveur des Talibans. Les effets dévastateurs de cette politique sur le mouvement révolutionnaire se font encore ressentir, car la guerre n’est pas seulement menée sur le front, mais aussi à l’arrière, ce qui signifie l’augmentation des niveaux d’exploitation pour garantir les ressources de l’armée, ainsi qu’une surveillance et une répression accrues de la vie quotidienne.

16/ Cela dit, les critiques que tous ces groupes adressent au défaitisme révolutionnaire sont d’un niveau si faible qu’ils pensent qu’il s’agit d’un appel à ce que les prolétaires de pays envahis se laissent désarmer et laissent la voie libre aux forces d’occupation, mais c’est ridicule. Nous savons que les armées ne sont pas composées de conscrits, mais de mercenaires et de soldats professionnels, et nous n’attendons pas d’eux qu’ils se laissent émouvoir, qu’ils cessent de tirer et qu’ils reculent. Nous ne sommes plus en 1917, les formes ont changé, nous nous tenons à ce principe.

/ Sur le blog de “Proletarios Revolucionarios”, on peut trouver l’état actuel des discussions, et nous vous invitons à le lire dans sa version française /

17/ Ce qui est défendu ici n’est pas une invention, mais l’esprit des actions déjà menées contre la guerre : déserter l’armée comme l’ont fait les refuzniks en Israël, arrêter les livraisons d’approvisionnement comme les dockers en France, arrêter la fabrication d’armements comme les ouvriers anglais, ou encore les campements pour Gaza sur les campus américains. Connaître les limites de ces actions n’empêche pas d’en reconnaître la puissance. Nous devons passer des appels de la société civile et des boycotts de consommateurs à la rupture et au blocage des chaînes qui rendent possible l’action militaire.

18/ L’appel à « rompre les relations diplomatiques » qui continue de prévaloir dans les manifestations doit être transformé en action visant à court-circuiter les conditions qui rendent la guerre possible. Elargir la réflexion, la discussion et la conspiration, jusqu’à ce que les armes de la critique puissent devenir la critique par les armes, sur tous les fronts, celui de Trump et de Netanyahou, mais aussi celui des Ayatollahs, de l’Arctique à l’Antarctique.

Institut de balistique – 26/06/2025

Traduction française : Les Amis de la Guerre de Classe / Los Amigos de la Guerra de Clases

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