[GCI-ICG] En marge d’un anniversaire… (8 mai 1945/2025)

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/ GUERRE de CLASSE / Ce 8 mai 2025, d’importantes fractions de la classe bourgeoise célèbrent le quatre-vingtième « anniversaire » de la fin de la seconde boucherie mondiale, de ce gigantesque bain de sang qui a laissé sur le carreau plus de soixante millions d’êtres humains, de prolétaires, tombés sur l’autel du profit et du nationalisme. Hier comme aujourd’hui et demain, c’est au nom de l’antifascisme (pour les uns) ou du fascisme (pour d’autres), au nom de la démocratie, de la liberté, de « la patrie en danger », de la religion, de la paix, que ces massacres sont perpétués.

Le capitalisme semble être arrivé au bout d’un cycle : trop de dévalorisation, trop de marchandises accumulées, trop de machines, trop de prolétaires, pas assez de marchés solvables et de profits… Les contradictions entre les différents secteurs nationaux d’un seul et même être sanguinaire mondial, qui se nourrit de l’exploitation de nos corps, de notre chair, de notre énergie, de nos vies, de nos perspectives, ces contradictions prennent formes guerrières et des blocs bellicistes commencent à se recomposer pour mener à bien l’entreprise de destruction du vivant, tant nécessaire à la revitalisation de cet empire de la mort que constitue le mode de production capitaliste.

Aujourd’hui, le réarmement est à l’honneur et à l’ordre du jour, des milliards de dollars et d’euros sont investis dans les technologies les plus avancées dans cette œuvre morbide qui devra faire table rase des prolétaires surnuméraires et des moyens de production excédentaires. L’armée est à l’honneur, les drapeaux patriotiques (peu importe lesquels) volent au vent de la furie destructrice de nos ennemis de classe, les programmes radio-télévisés, la presse du pouvoir en place (et de celui à venir), toute la propagande de ces larbins de l’ordre capitaliste rugissent d’une seule voix : en avant toute vers la guerre !

Le capitalisme vit de la guerre, le capitalisme, c’est la guerre : guerre commerciale, guerre militaire, guerre permanente entre les diverses valeurs dans leur quête de profit, etc. La guerre est inscrite dans l’ADN du capitalisme ! « L’argent est le nerf de la guerre », dit-on communément, mais la proposition inverse est tout autant vraie, voire même plus dialectique, à savoir : la guerre est le nerf de l’argent ! Et face à cette réalité, notre seule réponse à nous prolétaires, en temps tragique de guerre comme en temps de paix (sociale), c’est la grève et la guerre de classe, le sabotage de l’économie, le défaitisme révolutionnaire, l’insurrection, la révolution…

C’est en cette occasion que nous republions ici un texte du Groupe Communiste Internationaliste (GCI) qui date d’il y a déjà trente ans et qui revenait à l’époque sur le même anniversaire de la fin de la seconde boucherie mondiale pour nous rappeler que le capitalisme a besoin de la guerre et que sur ses autels de la mort, ce sont toujours nos frères et sœurs de classe qui y sont sacrifiés.

Fasciste ou antifasciste, la dictature du Capital, c’est la démocratie, sa paix et sa guerre !

GdC – 8 mai 2025.

Le capitalisme à l’œuvre : le bombardement de Dresden / février 1945

Source : Communisme No.42, décembre 1995

A chaque commémoration bourgeoise, les maîtres d’œuvre de la falsification historique épuisent tout leur talent pour renforcer leur mainmise sur la masse amnésique des citoyens. En 1989 déjà, la bourgeoisie a fêté, au travers du bicentenaire de ladite « révolution française »[1], le règne épuré de la démocratie et de ses sacro-saints « Droits de l’homme » bourgeois : « liberté » de vendre sa force de travail, « égalité » dans l’exploitation et « fraternité » entre les classes. Lors de la chute du mur de Berlin, c’est à grands coups de clairon péremptoires qu’elle a chanté « la victoire de la démocratie sur le totalitarisme », « la faillite du communisme » et même « la fin de l’histoire »…, bref autant d’occasions rêvées pour renforcer le cadre élargi et structurant de la démocratie comme unique issue au devenir de l’humanité.

Les écœurantes cérémonies de commémorations de la « Libération » procèdent de la même stratégie. Ces campagnes de promotion de la démocratie s’adressent directement aux individus isolés, atomisés, noyaux de base de cette société, afin de les intégrer, de les fondre, de les rassembler tous derrière la défense de l’Etat. Si aujourd’hui les gigantesques shows médiatiques, organisés à coups de laser et de décibels, dans la rue ou dans un stade bondé, ont remplacé les grandes messes nazies d’antan, comme lors du congrès de Nuremberg et des marches aux flambeaux, avec ses foules compactes, rangées, disciplinées…, toutes ces mobilisations participent bel et bien et de façon identique à la même communion irrationnelle et collective d’adhésion à la communauté fictive du Capital. Hitler, dans sa prétention mégalomaniaque, n’affirmait-il pas déjà, tout comme « nos » experts et économistes actuels, avoir mis fin à l’existence des classes pour au moins 1.000 années ? Dans la manipulation des foules et de leurs émotions irrationnelles, l’antifascisme joue sur le même registre que le fascisme. Durant ces grandes messes collectives, le projet bourgeois s’affirme pleinement pour ce qu’il est : une logique marchande trempée dans l’acier, excluant toute autre approche du devenir humain que celle du mode de production capitaliste. L’obtention de l’adhésion de l’individu isolé à la Patrie, à la Communauté des citoyens doit occulter définitivement la guerre que se livrent quotidiennement ceux qui possèdent tout et ceux qui n’ont rien d’autre que leur force de travail. Toute critique est ainsi bannie, toute remise en cause de l’historiographie officielle équivaut à du « révisionnisme ». Voilà comment les mythes fascistes, antifascistes, etc. n’ont pour principale fonction que de rassembler les citoyens dans une fraternisation avec l’Etat et doivent servir d’exutoires pour rassurer chacun sur son avenir et surtout sur l’avenir guerrier que le Capital prépare.

Dissimulés derrière ce concert unanime, les véritables causes et objectifs de la guerre, qui mit à feu et à sang la planète de 1939 à 1945, ainsi que de toutes les autres guerres, sont plus que jamais occultés par une vaste campagne médiatique qui promotionne « l’horreur des camps », « la cruauté nazie », « les excès de la guerre »… D’un côté, les « bons », de l’autre les « méchants ». En dehors de cette vérité, point de salut ! Et les « antifascistes »[2] ont vite fait de laver leurs propres massacres dans les eaux nauséabondes des horreurs de leurs concurrents fascistes. La polarisation bourgeoise fascisme/antifascisme se redéploye encore une fois comme les deux mâchoires du même piège, en vue d’organiser l’embrigadement des prolétaires dans deux camps ennemis, aboutissant inexorablement à préparer une nouvelle « solution finale » aux antagonismes sociaux : LA GUERRE !

Pourtant, dans cette lutte entre les camps antifascistes et fascistes, aucun n’a le monopole dans le domaine de « l’horreur » et de « la barbarie ». Les deux concurrents, assoiffés dans la recherche effrénée de nouvelles possibilités de profits, ont répondu tous deux aux mêmes nécessités imposées par le Capital pour porter la destruction et la mort à un niveau jusque-là jamais égalé. Le règne totalitaire de la démocratie, cette expression la plus haute de la civilisation capitaliste, se cristallise ainsi dans ces moments de la préhistoire humaine que constituent les camps de concentration, les bombes atomiques, les champs de bataille, les bombardements massifs, la guerre à outrance… C’est sous ces vocables que s’est matérialisée, à un degré jusque là encore inconnu, toute la négation de l’espèce humaine par les sociétés de classes. Nous allons voir ici, concernant cette atroce guerre qui s’étala de 1939 à 1945, que les bourgeois anglais, américains, russes,… « alliés »,… antifascistes, n’eurent vraiment rien à envier aux fascistes, dans leur capacité à planifier la mort.

La terreur vient du ciel

Dès 1940, les stratèges anglais mettent sur pied le « Bomber Command », quartier général des bombardiers lourds ayant pour objectif de semer massivement la mort et la destruction sur les villes allemandes. Pour justifier cette mise au point d’une véritable stratégie de la terreur, pour couvrir idéologiquement son lancement, les bourgeois anglais utilisent les bombardements de leurs concurrents allemands sur Londres et Coventry durant l’automne 1940 et celui sur Rotterdam, en exagérant délibérément leur portée. L’intoxication idéologique ainsi orchestrée, les traîneurs de sabres constellés d’étoiles peuvent mettre toute leur science de bourreaux au service du capitalisme malade. Et dès mars 1942, ils affirment :

« Une offensive de bombardements extensifs pourrait saper le moral de l’ennemi pourvu qu’elle soit dirigée contre les zones ouvrières [nous soulignons, NdR] des 58 villes allemandes, ayant chacune une population de 100.000 habitants… entre mars 1942 et le milieu de 1943, il doit être possible de rendre sans abris un tiers de la population totale de l’Allemagne. »

/ Rapport final du professeur Lindemann du 30 mars 1942 à la demande du Bomber Command /

Si les bourgeois entre eux ont l’avantage d’être clairs, un deuxième discours va rapidement se mettre en place en vue de renforcer, parmi la masse des citoyens du « monde libre », la croyance selon laquelle c’est avec humanité que le camp antifasciste organise la guerre. Il s’agit évidemment de présenter la « barbarie » et la cruauté comme étant l’apanage unique du camp d’en face. La mystification s’alimentant d’elle-même, il s’avère nécessaire de renforcer son impact parmi les foules soumises au projet guerrier de la bourgeoisie en leur confiant que :

« … le Bomber Command ne bombarde qu’à des fins d’ordre purement militaire et ne vise que des objectifs militaires, toute allusion à des attaques contre des zones ouvrières ou civiles est à rejeter comme absurde et attentatoire à l’honneur des aviateurs qui sacrifient leur vie pour la patrie… »

Pourtant, malgré tous les mensonges destinés à camoufler la sinistre réalité, rien ne va empêcher la bourgeoisie, avec tout le cynisme qui la caractérise, de définir davantage le but de ces bombardements : systématiser le carnage.

« … il est clair que les points de mire doivent être les zones construites, et non, par exemple, les docks ou les usines… Cela doit être dit tout à fait clairement, au cas où on ne l’aurait pas encore compris. »

/ Rapport du chef d’Etat Major de l’Air Sir Charles Portal, 14 février 1942 /

Après trois années de mise au point des diverses stratégies de bombardement, le degré de précision dans la terreur atteint une opérationnalité plus qu’appréciable. Dorénavant, plusieurs centaines d’avions quadrimoteurs vont prendre part en vagues successives au bombardement d’une seule ville. La première et sanglante illustration de cette réalité fut le bombardement de Wuppertal en mai 1943, où les objectifs militaires concentrés dans le quartier d’Elberfeld sont, dans un premier temps, systématiquement évités au profit des quartiers ouvriers de Barmen.

Mais le pôle antifasciste, ainsi que celui de son concurrent fasciste, vont encore se surpasser dans l’organisation de l’horreur. Le Capital, atteint par la dévalorisation comme par un cancer, ne va trouver d’autres remèdes pour se soulager provisoirement, que dans l’accroissement de sa capacité destructive. C’est en effet dans la guerre et par la guerre que ce système agonisant parvient à trouver un des plus hauts moments de bouleversement et de révolution complète de sa base productive, lui permettant ainsi de créer de nouvelles conditions pour assurer une nouvelle phase de valorisation. La destruction physique pure et simple des moyens de production n’est au fond que la poursuite de la guerre commerciale que se livrent les différents concurrents à un degré supérieur, car la guerre ouverte se gagne non seulement dans le domaine du développement des forces productives, mais aussi dans son prolongement, dans l’économie militaire. Rien d’étonnant donc qu’à cette époque de nouvelles inventions, de nouvelles technologies, de nouveaux concepts voient le jour. C’est encore et toujours dans la mort que les adorateurs en blouses blanches du veau d’or vont se surpasser. Alors que du côté fasciste, les fusées V1 sont patiemment élaborées, en juillet 1943 le bombardement de Hambourg par l’aviation antifasciste va marquer l’inauguration de l’ère des tempêtes de feu. C’est par l’utilisation massive de bombes incendiaires que la mort de plus de 50.000 personnes va être provoquée, frappant par la même occasion 40.000 blessés. Le centre ville est entièrement détruit et, en trois nuits, le nombre total des victimes atteint à Hambourg, sans entrer ici dans une polémique de chiffres macabres, le nombre de tués sous les bombardements du côté anglais, durant toute la durée de la guerre. C’est ensuite au tour de Kassel où, en octobre 1943, vont périr près de 10.000 civils dans un gigantesque brasier. Les tempêtes de feu matérialisent la capacité du Capital à toujours plus raffiner et rationaliser la mort :

« … la réunion soudaine d’un grand nombre de feux isolés provoque un tel échauffement de l’air qu’il se produit un violent courant ascendant, qui à son tour attire l’air frais de tous les côtés, jusqu’au centre de la zone embrasée. Cette extraordinaire aspiration provoque des mouvements d’air d’une force bien supérieure à celle de vents normaux. En météorologie, les différences thermiques varient de 20 à 30° C. Dans cet incendie, elles sont de l’ordre de 600, 800 ou même 1.000° C. Ceci rend compte de la colossale puissance des vents soulevés par les tempêtes de feu… Aucune sorte de mesure de protection civile ne pourront jamais maîtriser de telles tempêtes de feu une fois qu’elles se sont déclarées. Elles sont vraiment de ces monstres créés par l’homme [sic ! entendons : par le Capital ! NdR], et qu’aucun homme ne pourra jamais dompter. »

/ Rapport du directeur de la police de Hambourg après le bombardement de juillet 1943 /

L’unique réponse à ce génocide humain sans précédent va se trouver dans des refuges bétonnés où s’entassent les habitants, tels des animaux affolés, dans l’espoir d’échapper ainsi aux explosions et aux flammes. Mais au sein de ces bunkers, transformés en gigantesques cocottes-minute, hommes, femmes, enfants… y crèvent immanquablement soit par manque d’oxygène, soit parce qu’ils cuisent littéralement comme de la viande sur un grill.

« Quand les équipes de secours se frayèrent finalement, au bout de plusieurs semaines, un chemin vers les bunkers et les abris hermétiquement scellés, la chaleur engendrée à l’intérieur avait été si intense qu’il ne restait rien de leurs occupants : on retrouva seulement une fine couche ondulée de cendres grises dans un bunker ; on ne put qu’estimer le nombre des victimes entre 250 à 300 (…) Les températures inhabituelles dans ces bunkers étaient, de plus, attestées par les mares de métal fondu qui, à l’origine, étaient des pots, des casseroles et des instruments de cuisine apportés dans les abris. »

Face à l’ampleur des dommages causés aux populations civiles, surgit alors une série de questions et d’interrogations. Impossible en effet de déverser toutes ces bombes sans faire d’effroyables dégâts parmi les civils. Invariablement, le gouvernement antifasciste anglais y répond, avec la même assurance et la même arrogance :

« … aucune instruction n’a été donnée pour détruire des maisons d’habitation… les cibles du Bomber Command sont toujours des cibles militaires. »

/ Secrétaire d’Etat à l’Air Sir Archibald Sinclair, 31 mars 1943 /

Alors, dans le monde du mensonge érigé en système de pensée unique, l’idiot utile au Capital continue à gober et reproduire le discours dominant. La ronde infernale des bombardiers, emmenant dans leurs soutes de futures promesses de bonnes affaires à réaliser une fois la fin du carnage annoncée, reprend ainsi de plus belle. Durant l’année 1944, perfectionnant leur technique, au point qu’aucun mètre carré des zones d’habitations ne peut échapper aux bombes incendiaires, les raids sur Königsberg (fin août), Darmstadt (septembre), Braunschweig (octobre), Heilbronn (décembre), Bremerhaven, etc. vont faire plusieurs dizaines de milliers de victimes, prises au piège de brasiers gigantesques. L’intoxication idéologique reste totale et, jour après jour, des centaines de bombardiers, lâchant des milliers et des milliers de bombes, s’envolent d’Angleterre pour l’Allemagne. Pour l’homme de la rue, cela correspond à la réponse adéquate aux horreurs de l’autre camp.

Et pendant que l’opinion publique ânonne les bêtises que ses maîtres lui concoctent, des deux côtés du front, d’autres s’arrangent pour effacer toute trace de ce carnage voulu, pensé et organisé en toute connaissance de cause. Ainsi, le général américain Eaker déclare au même moment :

« A aucun prix nous ne devrions permettre aux historiens de cette guerre de nous accuser d’avoir dirigé des bombardements stratégiques sur l’homme de la rue. »

Et pourtant, quinze jours avant cette déclaration, un raid mené par les bombardiers américains sur Berlin avait provoqué la mort de 25.000 personnes, ce que ce chacal galonné était loin d’ignorer. On ne peut s’empêcher de repenser aux mensonges et au cynisme qui ont prévalu durant toute la guerre du Golfe, et d’y découvrir là une longue et solide tradition, non seulement au sein de l’armée des Etats-Unis d’Amérique, mais également parmi tous les bourgeois passés et à venir. Mensonges qui n’ont pas d’autre but que de masquer le gigantesque effort que mène cette société capitaliste pour perfectionner son arsenal de terreur et de destruction. La guerre représente pour elle un gigantesque laboratoire vivant d’expérimentations technologiques et surtout une gigantesque source de profits.

Si le camp fasciste va en profiter pour mettre au point bon nombre de découvertes scientifiques, comme les fusées V1 et V2, grâce aux esclaves des camps de concentration, que dire de ses concurrents directs ? Des bombes toujours plus grosses, toujours plus puissantes, encore et toujours plus destructrices seront systématiquement élaborées. Ainsi, face au manque d’efficacité des bombes traditionnelles, qui atteignent rarement leur but, les bombes perforantes vont être élaborées, avec comme résultat le massacre d’un maximum de prolétaires. Il faut savoir que durant les bombardements, alors que les prolétaires se terrent dans des abris souterrains ou dans des caves, l’explosion d’une bombe classique lors de son impact avec un bâtiment, ne se produit la plupart du temps qu’en sa partie la plus haute. Le génie bourgeois va donc s’évertuer à damer le pion à ces chairs à bombes, qui ne se laissent pas aussi facilement massacrer. La racaille scientifique, qui n’en est plus à une saloperie près, invente par conséquent une arme capable d’aller chercher la chair humaine là où elle se camoufle. C’est logiquement dans le plus profond de ces trous à rats que les bombes doivent frapper ; ainsi, lors du premier impact, la nouvelle bombe n’explose pas ; elle traverse le toit, perfore les planchers des étages et n’explose qu’une fois son véritable objectif atteint : les caves construites en dur.

L’Everest de la terreur : le bombardement de Dresden

Le déchaînement de morts suite à ces raids aériens, avec comme principales victimes les ouvriers, va atteindre son paroxysme à Dresden, en février 1945, dans le raid le plus terroriste, le plus incompréhensible de toute la guerre, incompréhensible pour ceux qui se feraient encore quelques illusions sur l’humanité du camp impérialiste antifasciste. D’un point de vue strictement militaire, rien ne peut justifier le massacre supplémentaire qui eut lieu, alors que l’Allemagne était vaincue. Rien, si ce n’est l’annonce prochaine de la fin du bain de sang en cours et la volonté manifeste de la part de la fraction bourgeoise victorieuse de détruire tout ce qui pouvait l’être encore.

A Dresden, pas la moindre industrie stratégique vitale, ni de quelconque installation militaire importante. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que la ville constituait un refuge pour des centaines de milliers de personnes fuyant les bombardements et l’avancée de l’armée soviétique, une autre joyeuse armée de massacreurs. Aveuglés par la propagande des Alliés, persuadés que Dresden ne serait jamais bombardée, tous ces réfugiés s’entassaient dans les nombreux hôpitaux de la ville et prenaient d’assaut les écoles, les gares de chemin de fer, etc. Le gouvernement britannique n’ignorait pas ces faits, et c’est à tel point vrai que certains chefs militaires du Bomber Command avaient émis de sérieuses réserves quant à la validité militaire d’un tel objectif. Difficile en effet de faire avaler, même aux pilotes, qu’à quelques semaines de la fin de la guerre, alors que sur tous les fronts les troupes allemandes sont en plein recul et en pleine dislocation, il puisse exister un quelconque objectif militaire dans l’organisation du plus grand massacre de toute la guerre. A cela, il leur fut sèchement répondu que Dresden constituait un objectif prioritaire : en pleine conférence de Yalta, il s’agissait de se placer en position de force, grâce à ces bombardements, face à l’avancée rapide des troupes russes.

Le 13 et le 14 février 1945 se déroulent alors les bombardements de la ville. La bourgeoisie n’est pas sans ignorer que se trouvent là près d’un million et demi de personnes, dont un grand nombre de réfugiés en provenance de Silésie, beaucoup de blessés, de prisonniers de guerre, de déportés du travail… Le plus gros tonnage de bombes jamais employé est ainsi déversé en deux nuits : près de 3.000 tonnes dont 650.000 bombes incendiaires tombent sur la ville, produisant la plus gigantesque tempête de feu de toute la guerre. Les vents de l’incendie qui consume la ville dépassent les 200 à 300 km à l’heure. Dresden va brûler huit jours durant, la lueur du brasier est visible à plus de 300 kilomètres ! Certains quartiers de la ville sont si brûlants qu’il faudra plusieurs semaines avant de parvenir à pénétrer dans les caves. Toute la panoplie des bombes les plus meurtrières va être utilisée : phosphore, napalm,… Les gens, véritables torches humaines, se jettent dans l’Elbe où ils continuent à brûler ; la coulée de feu qui descend du centre ville vers l’Elbe atteint le fleuve et continue à s’y consumer. Des cadavres décapités, victimes de bombes « antipersonnel » à fragmentation, jonchent les rues… Sur 35.000 immeubles d’habitations, seuls 7.000 vont rester debout. Tout le centre ville a disparu sur une surface de 18 km². La plupart des hôpitaux vont être détruits, alors que les voies ferrées sont à peine touchées et que, ni l’aérodrome militaire, ni les quelques usines aux alentours, n’ont été visés.

Le déroulement de l’intervention s’est opéré de façon méthodique : ses concepteurs ont même tenu compte du vent afin que l’incendie puisse se développer à une rapidité effroyable. Dans la nuit du 13 au 14 février 1945, plus de 1.000 bombardiers anglais vont semer la terreur. Le lendemain, 450 forteresses volantes américaines prennent ensuite le relais en déversant encore 771 tonnes de bombes incendiaires, dont un grand nombre sont à retardement. Cette « nouveauté » permettra au Bomber Command de s’assurer un tableau de chasse encore plus impressionnant. Ces bombes, en n’explosant que plusieurs heures après le passage des avions, vont tuer non seulement ceux qui tentent d’éteindre l’incendie, mais tous les imprudents fuyant la ville en flamme. Le bilan de ce qui a été sans conteste l’une des plus hautes expressions de la Civilisation et du Progrès dépasse le chiffre des 250.000 morts, presque tous des civils, sans parler des dizaines de milliers de blessés : brûlés, agonisants, estropiés, fous…

« … une dizaine de jours après les bombardements, un groupe de prisonniers avaient déblayé les marches conduisant dans un sous-sol, mais refusait d’y pénétrer ; quelque chose d’extraordinaire s’était passé à l’intérieur. Les hommes se tenaient à l’entrée du sous-sol, d’un air sombre, lorsque le directeur civil, voulant donner l’exemple, descendit jusqu’à la cave, une lampe à acétylène à la main. L’absence de l’habituelle odeur de pourriture le rassura. Les dernières marches étaient glissantes. Le sol de la cave était couvert d’une mixture liquide de sang, de chair et d’os, sur une épaisseur d’une trentaine de centimètres ; une petite bombe explosive avait traversé les quatre étages de l’immeuble et éclaté dans la cave. (…) On apprit du concierge du bloc qu’il devait y avoir 200 ou 300 personnes dans la cave ce soir-là. »

/ d’après le témoignage de Hans Voigt, directeur de l’« Abteilung Tote », le « bureau des morts » chargé de nettoyer la ville de ses cadavres /

Suite aux risques d’épidémie, le centre de la ville est déclaré zone interdite. Chaque jour, des milliers de corps sont traînés sur la place centrale de la ville, ou du moins ce qu’il en reste, pour être, après une dernière tentative d’identification, entassés sur des bûchers de 400 à 500 cadavres, afin d’y être brûlés. Près de 70.000 victimes sont ainsi incinérées sur l’Altmarkt par mesure prophylactique. Pour la première fois dans l’histoire de la guerre, les survivants ne sont plus assez nombreux pour enterrer les morts. L’apocalypse s’est abattue sur cette région comme la foudre. Pendant plusieurs semaines, une effroyable odeur de pourriture mêlée à de la chair humaine carbonisée va régner sur les ruines et aux alentours. Des bandes de chiens parcourent les décombres à la recherche de cadavres. Des dizaines de milliers de fantômes errent sur les routes à la recherche d’un refuge, les yeux hagards, loqueteux, de véritables morts-vivants. Il est presque impossible avec des mots, voire même avec des chiffres, de pouvoir décrire dans sa réalité la plus profonde cette véritable apocalypse. Le vocabulaire qui nous sert aujourd’hui à communiquer est trop pauvre pour exprimer le dégoût, la haine que nous inspirent une telle organisation systématique, méthodique, scientifique de la terreur, de la mort ! Et le dégoût que nous inspire ces hauts faits des bourgeois antifascistes est d’autant plus profond qu’ils ont enterré toute critique à leur encontre en dénonçant précisément… l’organisation systématique, méthodique, scientifique, de la terreur comme étant le monopole de leurs concurrents. Là vraiment, le Capital a frappé fort, très fort.

Mais l’horreur que la bourgeoisie est capable de déployer est sans limite. Les chasseurs alliés iront jusqu’à mitrailler les colonnes de réfugiés qui fuient la ville mise à feu et à sang, ainsi que les secours venant des localités voisines. Ordonnant le bombardement de Chemnitz les jours suivants, le commandement allié ne va s’embarrasser d’aucune précaution oratoire, déclarant aux aviateurs :

« Vos raisons d’aller là-bas cette nuit sont d’achever tous les réfugiés qui peuvent avoir échappé de Dresden. »

Comme une meute grisée par l’odeur du sang, ces chiens de gardes du capitalisme en appellent à de nouvelles orgies sanguinaires pour apaiser leur soif de cadavres. L’alliance antifasciste n’a décidément rien à envier à la coalition fasciste en ce qui concerne le raffinement avec lequel ils assurent la survie de cette civilisation moribonde. En 18 mois de bombardements, 45 des 60 principales villes allemandes ont été complètement détruites, rasées, écrasées. Au bas mot, plus de 650.000 prolétaires, en majorité des civils, vont périr au cours de ces raids de terreur. Ne parlons même pas de ceux qui, ayant échappé à cet enfer, vont peupler le restant de leur vie les hôpitaux et les asiles de fous. C’est véritablement sur des monceaux de cadavres que la victoire du camp antifasciste va être célébrée le 8 mai 1945.

Belle « Victoire », vraiment, que d’avoir pu cacher ses propres crimes sous le matelas des horreurs du concurrent. Belle « Victoire » que ces lampions fêtant des champs de cadavres !

Nécessité capitaliste de la guerre…

Plus le Capital se développe et plus l’ensemble de ses contradictions s’accroissent, s’exacerbent. Ce n’est pas un hasard si la guerre existe en permanence dans l’un ou l’autre endroit du monde, si elle s’étend régulièrement sous une forme de plus en plus généralisée. La lutte pour le profit maximum, la concurrence, la guerre commerciale et la guerre tout court, sont aussi essentielles aux capitalistes que la respiration à l’être humain.

Dans les faits, cette société ne peut vivre sans guerre. Très schématiquement exprimée ici, la raison en est que la masse de capital croît plus rapidement que ses possibilités de valorisation. Ainsi, cycliquement, se produit une surproduction de capital, ayant pour conséquence que la valorisation d’une partie du capital social mondial exclut la valorisation d’une autre partie de ce même capital social mondial. Les fermetures d’usines, ou la mise au rebut d’autres capitaux fixes, ne sont jamais suffisantes pour rétablir la situation. Survient régulièrement une dépression généralisée, conduisant inévitablement à une dévalorisation générale de tout capital existant. Capital, qui ne rencontre aucune possibilité de rentabilisation, et qui doit « normalement » conduire à la faillite généralisée des capitalistes les moins rentables. Ceux-ci, tout comme les autres, s’organisent pour résister à cette inexorable loi du Capital. L’organisation des uns et des autres, à différents niveaux de centralisation, en vue de permettre de mener cette guerre dans les meilleures conditions possibles (sociétés, cartels, Etats nationaux, blocs ou constellation d’Etats) rend la guerre périodiquement effective : elle se présente dès lors comme une solution partielle aux problèmes du capitalisme mondial. En détruisant une part importante du capital, et donc en l’empêchant de fonctionner comme tel, la guerre améliore de fait les conditions générales de la totalité du capital social mondial. La guerre lui permet ainsi de lancer – sur une base nouvelle – un nouveau cycle de valorisation. D’un autre côté, cette solution ne fait que rendre le problème encore plus insoluble pour les capitalistes à venir. Une nouvelle phase de surproduction de capital, encore plus importante que la précédente interviendra, rendant nécessaire la dévalorisation violente – par la destruction – d’encore et toujours plus de moyens de productions.

La dite « deuxième guerre mondiale » n’échappe pas à ces lois invariables du capitalisme. Ce n’est pas dans la tête d’un quelconque Hitler, pas plus que dans celle d’un Staline ou d’un Truman qu’il faut chercher l’explication de ce gigantesque carnage, mais uniquement dans les entrailles de cette société que beaucoup, même – et surtout – parmi les prolétaires aujourd’hui ont bien du mal à reconnaître pour ce qu’elle est : une société de classes. A la place de cette évidence, la bourgeoisie pressée de renforcer les conneries qu’elle fabrique à destination de son opinion publique, abreuve le brave citoyen, ce sinistre Homo Democraticus, de commémorations, de parades militaires, de reportages retraçant la psychologie de tel ou tel idiot utile pour le Capital, pour en fin de compte lui faire accepter l’inacceptable : la participation à la guerre pour sauver son système moribond.

… et le prolétariat dans tout ça ?

Dans ce texte, jusqu’à présent, nous n’avons parlé du prolétariat que comme objet de l’histoire, comme chair à usines, à canons et à bombes. Nous ne pouvons publier ce texte sans au moins évoquer les tendances de notre classe à s’imposer comme sujet, à lutter pour ses propres intérêts, à imposer le communisme comme seule affirmation de notre humanité. Car « le prolétariat est une classe exploitée ET révolutionnaire » (K. Marx), c’est-à-dire qu’il n’est pas, soit exploité soit révolutionnaire, soit objet soit sujet de l’histoire, il est dialectiquement les deux. Même s’il est vaincu à la fin de la guerre, si la révolution n’est pas à l’ordre du jour, s’il est embrigadé dans la polarisation bourgeoise fascisme/antifascisme, et surtout s’il est écrasé sous les bombes et la terreur, le prolétariat, comme la vieille taupe de Marx, se manifeste néanmoins toujours quelque part comme sujet, à travers ses luttes, et cela à l’encontre même de ce qui tend à le fixer comme simple objet de l’exploitation.

Comme nous l’avons vu précédemment, loin d’être limitée à une question de concurrence inter-bourgeoise, la stratégie guerrière d’extermination visait à liquider massivement un maximum de forces productives excédentaires pour les besoins de valorisation de cette société de mort. Mais nous ne pouvons limiter notre analyse à ce seul aspect de la question. L’élimination de ces bataillons de prolétaires, le mitraillage de ces milliers de tonnes de bombes sur les zones ouvrières, matérialisent la capacité de notre ennemi de classe à frapper préventivement tout foyer de tension prolétarienne. Si le prolétariat des années 1939-45, atomisé dans les polarisations inter-bourgeoises, avait bien du mal à se reconnaître comme prolétariat, la bourgeoisie, quant à elle, fut capable, par delà ses divergences idéologiques, de frapper là où le danger apparaissait pour elle, dans l’intérêt impersonnel de son Etat Mondial.

C’est donc aussi pour ne pas voir se rééditer la vague insurrectionnelle précédente que l’aviation alliée eut pour mission de bombarder, lors de ses raids terroristes, non seulement les centres industriels allemands, mais aussi les plus grandes agglomérations, massacrant et terrorisant encore et toujours plus de prolétaires. Loin d’être aveugles, ces bombardements ont au contraire été très sélectifs : ce sont avant tout les quartiers ouvriers qui ont été la cible des tapis de bombes des Alliés.

Cet anéantissement se « justifiait » de manière d’autant plus urgente à partir de 1943 que des concentrations ouvrières en Europe ressurgissait le souffle de la lutte et de la résistance à l’exploitation. Nombres de mythes bourgeois perpétuent l’idée que la situation sociale à la fin de la guerre n’était pas agitée, ou du moins qu’elle baignait dans le consensus de la « libération du fascisme ». Nous affirmons à contre-courant que, dans toute l’Europe à ce moment, sous le coup de la nécessité matérielle, des menaces d’embrasements prolétariens font rejaillir le spectre de la révolution sociale. Un même mouvement semble réémerger, remettant toujours en avant la satisfaction de nos besoins.

Bien sûr, 1945 n’était pas 1918 !… et la plupart des quelques noyaux de militants révolutionnaires de l’époque, qui parvenait à maintenir le cap classiste dans la tempête contre-révolutionnaire, ont eu une large prépondérance à surestimer les perspectives des luttes, concluant de manière mécanique à l’imminence d’un soulèvement prolétarien en Allemagne comme en 1918. Ces foyers de luttes qui apparaissent sont encore bien faibles et sont surtout marqués par plus de 25 années de terreur contre-révolutionnaire : 25 années durant lesquelles les avant-gardes communistes ont été liquidées. En plus de deux décennies, la bourgeoisie a parachevé son cycle de contre-révolution et bon nombre de militants de la vague de 1917-21 ont disparu dans les camps de concentration, ont été massacrés sur les champs d’horreur, ou encore ont été embrigadés dans les partis staliniens et broyés par « le Parti de l’Ordre ».

La bourgeoisie mondiale, tirant les leçons de cette vague révolutionnaire, s’est donnée les moyens matériels de ne plus devoir affronter une armée dissoute, un prolétariat défaitiste, retournant ses armes contre ses propres généraux, contre sa propre bourgeoisie, pouvant se transformer en de nouveaux bataillons de la révolution. Grâce à des moyens de destruction qualitativement et quantitativement supérieurs par rapport à la phase précédente de cette guerre de classe, la bourgeoisie se fera un devoir d’assumer la liquidation, le « génocide » de classe, non seulement de millions de prolétaires embrigadés sous l’uniforme, mais aussi de centaines de milliers d’autres prolétaires « civils ».

Ce n’est pas un hasard également si les bombardements de terreur se sont systématisés au moment même où d’importantes grèves éclatent en Allemagne (mais aussi en Italie, en France, etc.[3]) et où les désertions au sein de l’armée allemande tendent à s’amplifier. Ici s’exprime la complémentarité des fractions « rivales » de la bourgeoisie dans la répression anti-prolétarienne. La classe ouvrière fut prise entre deux feux convergents : d’un côté, la terreur venant du ciel et de l’autre, les pelotons d’exécution qui passent les grévistes par les armes pour les forcer à continuer d’assumer la « production de guerre » et la « victoire finale ».

A la fin de la dite « seconde guerre mondiale », la bourgeoisie clôture un cycle guerrier par la neutralisation temporaire du prolétariat. Les deux guerres mondiales sont deux moments d’un gigantesque massacre anti-prolétarien s’étendant de 1914 à 1945 et interrompu en 1917-18 par le prolétariat en lutte. C’est ce seul niveau d’abstraction de la réalité du Capital qui peut nous apporter la compréhension d’événements qui, pour des historiens bourgeois, s’avèrent soit incompréhensibles, soit l’œuvre malfaisante d’un « mauvais génie » : Hitler, Staline, Roosevelt, Churchill ou d’autres… Cela, c’est la personnification idéaliste de l’histoire pour embrouiller la vraie signification ouvertement anti-prolétarienne de toutes les guerres, qu’elles soient antifascistes, « de libération nationale », « pour la défense du socialisme » ou toute autre justification antihumaine.

La fin de la guerre va donc être pour la bourgeoisie un champ d’expériences extraordinaires ; elle applique nombre de leçons tirées des luttes précédentes menées à l’encontre du prolétariat. C’est pour empêcher, plus précisément, le renouvellement de la situation révolutionnaire qui avait marqué l’Allemagne à la fin de la dite « Première guerre mondiale » (1914-1918), c’est pour réprimer préventivement tout soulèvement prolétarien, que la bourgeoisie va définir son action autour de trois axes principaux en 1945 :

  • liquider les prolétaires pouvant constituer une menace et écraser ainsi physiquement toute tentative de résistance prolétarienne dans les villes ;
  • dans ce sens, envahir complètement l’Allemagne et l’occuper militairement par les armées alliées qui se chargent de faire régner l’ordre elles-mêmes ; le gouvernement allemand est dissout, les armées alliées rentrent dans Berlin ;
  • maintenir hors d’Allemagne pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, les soldats prisonniers (internements massifs) pour éviter qu’ils ne reproduisent les bouleversements de novembre 1918 ; visiblement, la perspective du retour des soldats « allemands » démobilisés dans leurs foyers détruits impressionna la bourgeoisie mondiale au point non seulement d’expédier des centaines de milliers de ces soldats dans le goulag soviétique, mais aussi d’en interner plus de 400.000 en… Angleterre, certains jusqu’en… 1948 ! D’autres seront envoyés dans des camps en France, en Belgique, ou de l’autre côté de l’Atlantique, aux Etats-Unis[4].

Le prolétariat, comme nous l’affirmons dans notre thèse No.26 (cf. Thèses d’orientation programmatiques) n’a qu’une guerre à revendiquer et à mener : la guerre sociale contre toutes les bourgeoisies.

« Les ouvriers n’ont pas de patrie, on ne peut leur ôter ce qu’ils n’ont pas. Toute défense de la nation, quel que soit le prétexte qui la sous-tend, constitue une agression contre la classe ouvrière mondiale. Sous le règne de la bourgeoisie, toutes les guerres sont des guerres impérialistes qui opposent deux ou plusieurs fractions ou groupes d’intérêt du capital mondial. Le prolétariat ne mène et ne revendique qu’une seule guerre : la guerre sociale contre toute la bourgeoisie. Indépendamment des intentions immédiates des protagonistes, les guerres ont comme fonction essentielle d’affirmer le Capital et de détruire objectivement et subjectivement la classe subversive au sein de cette société. En ce sens, plus que d’être de « simples » guerres entre Etats nationaux, entre « libérateurs de la patrie » et « impérialistes », ou guerres inter-impérialistes… elles sont, dans leur essence, guerres du Capital contre le communisme.

Face à tous les antagonismes inter-bourgeois, entre fractions « progressistes et réactionnaires », « fascistes et antifascistes », « de gauche et de droite »,… qui trouvent leur continuation logique dans la guerre impérialiste, le prolétariat ne possède qu’une seule réponse possible : la lutte intransigeante contre tous les sacrifices (contre toute trêve et toute solidarité nationale), le défaitisme révolutionnaire, le retournement des armes contre ses propres exploiteurs, contre ses oppresseurs directs. Le but du prolétariat est de transformer, pour la centralisation internationale de cette communauté de lutte contre le Capital, la guerre capitaliste en une guerre révolutionnaire du prolétariat mondial contre la bourgeoisie mondiale. »

C’est cette longue thèse que nous réaffirmons en conclusion de ce texte pour rappeler que, de Dresden à Rotterdam, de Hiroshima à Londres, de Stalingrad à Varsovie, la seule « Victoire » qui compta en 1945 fut, en définitive, celle de la bourgeoisie : en 1945, l’exploitation capitaliste pouvait perdurer sur base de l’écrasement du prolétariat. Un moment de la perpétuation de cette défaite se concentre dans le crédit accordé aux crimes « alliés », « antifascistes », sous couvert de la seule publicité des méfaits de l’autre camp. Il est bon de rappeler que fasciste ou antifasciste, la dictature du Capital, c’est la démocratie.

/ GCI – 1995 /


[1] Si nous prenons nos distances face à la terminologie dominante sur cette question, c’est parce que pour nous, les années 1789-1793 furent essentiellement des années révolutionnaires du point de vue de l’affirmation du prolétariat comme classe révolutionnaire. Là où l’Histoire officielle encense l’avènement des Lumières de la bourgeoisie, nous n’y découvrons que la récupération, le détournement d’une lutte prolétarienne au profit du renforcement du mode de production capitaliste, dont la révolution ne se situe pas en 1789, mais tout au long des XIVème, XVème et XVIème siècle, à travers la généralisation du marché mondial.

[2] Nous considérons qu’en définitive, le seul véritable ennemi du fascisme, ou de toute autre tentative bonapartiste mise en place par la bourgeoisie pour écraser notre classe, c’est le prolétariat révolutionnaire. Mais la lutte révolutionnaire contre le fascisme est indissociable de la lutte contre toutes les autres fractions bourgeoises, y compris les fractions prétendument antifascistes, qui ne manifestent rien de plus que le désir de maintenir l’exploitation capitaliste sous une autre forme et sous la dictature d’autres gestionnaires. En ce sens, l’« antifascisme », proclamé par ces fractions, n’est la plupart du temps qu’un antifascisme de façade, qui n’utilise cette terminologie que par opportunisme, afin d’affronter plus aisément un concurrent capitaliste. Son « antifascisme » est une banderole sous laquelle il lui est occasionnellement plus facile de regrouper des forces pour justifier sa guerre. Faut-il rappeler que Staline a d’abord choisi l’alliance avec Hitler et le fascisme, avant de se retrouver l’allié de Churchill et Roosevelt ? La bourgeoisie n’est pas plus l’ennemie du fascisme que de toute autre forme de gestion capitaliste ; le prolétariat constitue le seul véritable fossoyeur de la dictature capitaliste, quelques soient ses atours fascistes, antifascistes, populaires, républicains, anti-impérialistes, bonapartistes…

[3] Rappelons que des luttes de classes importantes se sont déroulées non seulement – pour les plus connues – en Italie du Nord (1943-45) et en Grèce, mais aussi en Allemagne, en Belgique, en France, en Yougoslavie, voire même en Russie. Et comme par hasard, alors que des concentrations ouvrières comme Milan, Turin ou Rome n’ont jamais été bombardées durant la guerre, ce n’est que lorsque l’Italie a basculé dans le camp allié, et surtout lors de l’éclatement de grèves, que l’aviation alliée a senti la nécessité de bombarder dans ces régions, pour rétablir la paix sociale par la terreur.

[4] Faut-il encore préciser que nous parlons ici des mesures prises à l’encontre des seuls prolétaires ? Pour ce qui est des généraux, des officiers nazis, des industriels, des scientifiques,… à part l’une ou l’autre crapule qu’on liquidera lors du grand spectacle des procès de Nuremberg, la plupart des bourgeois allemands seront soit promus à de hautes fonctions dans le camp adverse (les scientifiques comme Von Braun), soit emprisonnés quelques temps (ce qui était de toute façon moins pire que de se retrouver soumis aux travaux forcés comme la plupart des soldats), puis relâchés pour entamer une carrière capitaliste dans la « nouvelle » Allemagne. Ainsi, à l’occasion de l’exécution de H.M. Schleyer par la Fraction Armée Rouge, on apprit que ce patron des patrons allemands était en fait un ancien dignitaire nazi.

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