/ English / Español / Français /

/ GUERRE de CLASSE / Dès le 16 juin, alors que les premiers bombardements sur l’Iran avaient commencé depuis trois jours, nous avons publié sur notre blog la traduction en anglais d’une contribution provenant de camarades qui militent dans ce pays et qui défendent la perspective de la révolution prolétarienne et du communisme, militants qui signent régulièrement leurs publications « Travailleurs anticapitalistes » ou encore « Mouvement pour l’abolition du travail salarié ». Nous saluons les efforts de ces camarades pour traduire leurs documents dans une langue occidentale qui puisse ainsi donner un large accès à leurs courageuses et très intéressantes prises de position. Néanmoins, les problèmes linguistiques restent une barrière importante dans la compréhension pleine et entière de leurs publications car souvent leurs traductions posent d’importants problèmes. Dans un passé très récent, nous avons-nous-mêmes publié et traduit plusieurs de leurs contributions à propos des luttes de classe en Iran en 2022/23, ainsi qu’après la chute du régime baasiste en Syrie…
Aujourd’hui, nous republions (et traduisons en français) une version « légèrement modifiée », et abrégée pourrions-nous dire, de deux documents provenant de ces camarades (dont le texte que nous avions déjà publié dans sa version anglaise complète). Cette « nouvelle » version provient de camarades basés en Australie, la « Ligue des Communistes Internationalistes », qui a également servi de base à une version espagnole publiée par le groupe Barbaria.
Nous ne ferons pas ici une critique exhaustive de ces deux textes, ni à l’utilisation de certains concepts comme « génocide » ou « holocauste » pour qualifier la politique meurtrière de l’État d’Israël à Gaza et en Cisjordanie, pour qualifier la mort de dizaines de milliers de prolétaires ! Disons seulement que l’utilisation de ces concepts tient plus d’une certaine concession à l’antifascisme, même s’il nous semble avec raison que les camarades d’Iran sont très critiques de cette idéologie, comme de toutes les idéologies d’ailleurs.
Il en va de même pour le concept de « conseils ouvriers anticapitalistes » que les camarades d’Iran développent et appellent de leurs vœux à ce qu’ils se constituent, comme un moment d’organisation et de structuration, là où le prolétariat mène sa lutte de classe contre son ennemi héréditaire, là où le prolétariat mène sa guerre de classe. Bien sûr, il est plus que nécessaire de discuter et d’approfondir la nature et le contenu anticapitaliste de ces « conseils ouvriers » (et du processus d’associationnisme prolétarien), ce qui est plus important que sa seule forme. Mais jamais, nous semble-t-il et pour ce qu’on a pu en lire, ces camarades en Iran ne revendiquent stricto sensu « la forme conseil ». Dans un texte de critique de la démocratie, nous avons même pu lire que ces camarades refusent clairement « la démocratie des conseils » !!!
À l’opposé, des groupes et militants proches d’une certaine « gauche communiste », qui se sont fait une spécialité de s’imposer comme des « donneurs de leçons », se permettent de dénigrer ces camarades et de falsifier leurs propos à cet égard, en déversant leur logorrhée marquée du sceau de l’extériorité. Si nous critiquons les faiblesses de nos camarades (ainsi que nos propres faiblesses), afin que nous avancions ensemble et que nous développions ensemble notre communauté de lutte et de critique prolétarienne, nous ne considérons jamais ces faiblesses, ces limites comme une totalité indépassable !!!
Pour finir cette brève introduction, et au-delà de toutes les faiblesses et limites contenues dans les deux textes qui suivent, nous voudrions surtout mettre en avant leurs affirmations défaitistes, internationalistes et anticapitalistes :
« Ce n’est pas notre guerre. C’est la leur. Nous sommes en guerre contre les deux régimes, contre les deux blocs, contre l’ensemble du système capitaliste mondial. Tout alignement sur l’un des deux camps est une trahison. L’activité anti-guerre n’a de sens que si elle met en avant un programme révolutionnaire et anticapitaliste. Les manifestations contre la guerre doivent être associées à la lutte des classes – non pas comme une protestation vide de sens, mais comme un défi lancé aux deux pôles du pouvoir impérialiste. Sinon, elles deviennent un appel à la capitulation du régime islamique face à ses rivaux plus puissants et génocidaires. Nous devons rejeter ce discours. Notre combat est celui contre tous les États et contre toutes les fractions du capital.
Un point crucial : la lutte contre la guerre doit être anticapitaliste. Sans cela, nous sommes réduits à être les fantassins d’un des deux camps meurtriers. Par exemple, s’opposer à la politique de guerre de la République islamique est nécessaire, mais seulement si cela va de pair avec l’opposition à l’État génocidaire d’Israël et à l’impérialisme occidental. […] Notre critique doit s’abattre pareillement sur tous les bellicistes, tous les États, toutes les ailes de la bourgeoisie mondiale. […]
Nous devons agir en tant que classe. Nous avons passé des générations à éviter cette voie, trompés par de faux espoirs : syndicalisme, démocratie, ONG, révolutions arc-en-ciel, anti-impérialisme, fédéralisme. Ils nous ont conduits à l’épuisement, à la trahison, à la ruine. Un jour, il faudra bien commencer. Ce jour est attendu depuis longtemps. Faisons en sorte que cela se produise maintenant. »
GdC – 25 juin 2025.
Contre les guerres au Moyen-Orient – Pour la lutte de classe contre tous les capitalistes
Source en anglais : https://internationalistcommunists.org/2025/06/20/against-wars-in-the-middle-east-for-class-struggle-against-all-capitalists/
[Note de l’éditeur : Nous publions ici une traduction légèrement modifiée de deux communiqués d’un groupe communiste de conseil en Iran, se désignant simplement sous le nom de « Travailleurs anticapitalistes », qui ont été rédigés en réponse à la dernière série d’affrontements militaires entre l’Iran et Israël.
Contre les illusions colportées par les deux parties belligérantes – et leurs soutiens capitalistes respectifs – le texte réaffirme la nécessité d’une organisation et d’une lutte de classe indépendantes. Il insiste sur le fait que seule la classe ouvrière, luttant sur son propre terrain et pour ses propres intérêts, peut mettre fin à la barbarie de la guerre capitaliste].
Seul un soulèvement anticapitaliste des travailleurs peut écraser ces deux pieuvres capitalistes bellicistes et meurtrières
Source en persan : https://alayhesarmaye.com/2025/06/17/_/5358/
- Nous, les travailleurs, sommes employés dans tous les secteurs : dans les usines, les écoles, les hôpitaux, les services municipaux, l’agriculture, l’industrie, les transports terrestres, maritimes et aériens, l’énergie et les services publics, la construction, le secteur forestier, etc. Que nous soyons au chômage, à la retraite ou accablés par le travail domestique non rémunéré, nous appartenons tous à la même classe ouvrière, unie par notre existence sociale et notre exploitation. Nous subissons de plein fouet la domination capitaliste : l’esclavage salarié, la répression, les privations, le génocide, l’incarcération, la torture, la violence sexiste, l’oppression ethnique, la destruction de l’environnement et toutes les calamités que ce système engendre.
- Jusqu’à récemment, seuls la classe capitaliste et le régime islamique iranien nous imposaient directement cette violence. Aujourd’hui, avec la guerre en cours, nous sommes confrontés à deux monstres capitalistes : la bourgeoisie iranienne et son régime d’une part, et les gouvernements d’Israël, des États-Unis et de l’Union européenne de l’autre. Malgré leur conflit, les deux camps imposent la même brutalité génocidaire. D’en haut et d’en bas, dans tous les aspects de la vie, nous sommes écrasés par la violente machinerie du capital, qu’il soit iranien, israélien, américain ou européen.
- Cette guerre n’est pas menée entre « États », elle est menée contre nous. Des dizaines de millions de travailleurs en portent le fardeau : déplacements de population, sans-abrisme, faim, famine, manque d’eau, de médicaments, de traitements, morts en masse. Nos maisons sont bombardées, nos proches ne sont pas enterrés et l’avenir de nos enfants est incertain. À Téhéran, Kermanshah, Ispahan et ailleurs, le coût de la guerre est immense. Ces conditions exigent que nous agissions – collectivement, dans tout le pays, avec une organisation de classe et de conseil. Ce n’est pas un slogan. C’est une question de survie. Nous devons nous unir là où nous vivons et travaillons – usines, écoles, hôpitaux, ports, quartiers – pour former des conseils. Ceux-ci ne doivent pas être isolés ou locaux ; ils doivent se développer en un mouvement à l’échelle national, capable de mobiliser toutes les ressources pour répondre aux besoins urgents : alimentation, sécurité, soins médicaux, logement, éducation. Ces conseils doivent s’associer, se transformer en une force anticapitaliste unifiée et prendre le contrôle de la production, des richesses et des infrastructures des mains de la classe capitaliste et de son État. Proclamons au monde que nous considérons toutes les classes dirigeantes – israélienne, islamique, américaine, européenne – comme des ennemis génocidaires de la classe ouvrière. Nous appelons les travailleurs du monde entier à la solidarité et au soutien.
17 juin 2025
La guerre entre les brutes capitalistes est une guerre contre nous tous
Source en persan : https://alayhesarmaye.com/2025/06/15/_/5352/
Traduction anglaise : https://againstwagelabor.com/2025/06/16/the-war-between-the-ruling-beasts-of-capital-the-war-of-all-of-them-is-the-war-of-capital-against-our-class/
- Deux régimes génocidaires sont aujourd’hui en guerre : le gouvernement israélien et la République islamique. Comme tous les États capitalistes, ce sont tous deux des tueurs de travailleurs, des criminels et des bellicistes.
- Israël est né de la coalition impérialiste issue de la Seconde Guerre mondiale – un avant-poste stratégique pour les puissances capitalistes. Depuis près de 80 ans, il mène un génocide continu contre les travailleurs palestiniens et du Moyen-Orient. Ses actions font l’objet d’un consensus total de la part du capital mondial. La République islamique, en revanche, est née de la défaite du mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière en Iran à la fin des années 1970. Elle a été la solution d’urgence du capital pour écraser les soulèvements ouvriers et préserver l’exploitation. Bien que leurs origines soient différentes, les deux régimes servent les intérêts du capital par la guerre, la répression et l’expansion. Leur confrontation actuelle est un conflit d’influence, et non de justice – une lutte entre des fractions capitalistes rivales.
- Israël, avec le soutien inconditionnel du capital américain et européen, a déjà gravement endommagé l’infrastructure militaire de l’Iran. Cela ne signifie pas pour autant que le régime islamique va s’effondrer. Il se battra pour se préserver, en utilisant toutes les ressources disponibles. Ses récentes défaites, bien que significatives, ne suffisent pas à garantir sa capitulation. Le régime résistera jusqu’à ce que sa survie même soit menacée.
- La guerre n’est pas liée aux armes nucléaires. La question nucléaire est un prétexte. Depuis 45 ans, le conflit central est le défi lancé par l’Iran à l’ordre mondial capitaliste dirigé par les États-Unis, sa demande d’une plus grande part de pouvoir et son refus de se soumettre. Cette guerre vise à régler ce différend de manière décisive, voire définitivement. Même si la République islamique est contrainte au compromis, ses rivaux n’ont pas de solution de remplacement viable. Les exilés monarchistes, les partisans de la renaissance de Pahlavi et les vestiges de la secte des Rajavi [OMPI/MEK] n’ont aucune base réelle. Le régime ne tombera pas, il capitulera et négociera pour minimiser ses pertes.
- Même si cette guerre se termine, la phase suivante d’exploitation et de répression se poursuivra. Tant que le capitalisme existera, il y aura des guerres, des crises, des génocides et une concurrence pour la plus-value, le capital et le pouvoir. Croire que Netanyahou, les États-Unis ou le régime islamique vont « libérer » les 60 millions de travailleurs iraniens est une dangereuse illusion. Tout travailleur entraîné dans cette croyance est privé de sa conscience. Cette illusion doit être brisée par une critique de classe tranchante et fondée sur des principes.
- Personne ne peut prédire les retombées économiques de la guerre. Mais le résultat probable sera la pauvreté de masse, la faim, l’effondrement de la production, la répression et la mort – juste pour amener l’Iran à la table des négociations. Les classes dirigeantes américaine et israélienne n’hésiteront pas à faire de l’Iran une nouvelle Libye si cela sert leurs objectifs. Mais l’Iran n’est pas la Libye de Kadhafi ni l’Irak de Saddam. Le régime islamique se battra pour éviter un effondrement total.
- Cette guerre risque de s’intensifier. Les conditions de vie – famine, manque de médicaments, sans-abrisme, chômage de masse – s’aggraveront. Tous les camps feront supporter le coût de la guerre à la classe ouvrière. Nous devons inverser cette tendance. Nous devons réorienter la crise vers le capital lui-même. Ce n’est pas impossible. Notre classe a la capacité de le faire. Le capitalisme appose la mention « impossible » sur chaque rêve de libération, mais cela fait partie de son pouvoir idéologique, de sa déshumanisation du travail et de sa mystification des marchandises. Nous devons briser ces illusions. Faire peser le coût de la guerre sur le capital. Intensifier la lutte de classe anticapitaliste – avec clarté, stratégie et détermination.
- Ce n’est pas notre guerre. C’est la leur. Nous sommes en guerre contre les deux régimes, contre les deux blocs, contre l’ensemble du système capitaliste mondial. Tout alignement sur l’un des deux camps est une trahison. L’activité anti-guerre n’a de sens que si elle met en avant un programme révolutionnaire et anticapitaliste. Les manifestations contre la guerre doivent être associées à la lutte des classes – non pas comme une protestation vide de sens, mais comme un défi lancé aux deux pôles du pouvoir impérialiste. Sinon, elles deviennent un appel à la capitulation du régime islamique face à ses rivaux plus puissants et génocidaires. Nous devons rejeter ce discours. Notre combat est celui contre tous les États et contre toutes les fractions du capital.
- Un point crucial : la lutte contre la guerre doit être anticapitaliste. Sans cela, nous sommes réduits à être les fantassins d’un des deux camps meurtriers. Par exemple, s’opposer à la politique de guerre de la République islamique est nécessaire, mais seulement si cela va de pair avec l’opposition à l’État génocidaire d’Israël et à l’impérialisme occidental. Il en va de même pour les armes nucléaires. Nous devons rejeter tout financement de la guerre par notre travail, mais pas d’une manière qui serve les fractions capitalistes rivales. Notre critique doit s’abattre pareillement sur tous les bellicistes, tous les États, toutes les ailes de la bourgeoisie mondiale.
- Où que nous soyons – usines, écoles, hôpitaux, ports, quartiers – nous devons nous unir. Construisons des conseils de travailleurs. Associons-les, non pas comme des rêves, mais comme des outils matériels de résistance. Pourquoi qualifier cela d’utopique ? Est-ce parce que le régime utilise la répression brutale pour l’empêcher ? Ne fait-il pas de même avec toutes les grèves ? N’a-t-il pas essayé d’écraser toutes les protestations, en particulier celles des femmes, des jeunes et des chômeurs ? Pourtant, nous nous sommes battus. Alors pourquoi hésiter maintenant ? Cette hésitation n’est pas la nôtre – elle est implantée en nous par l’idéologie capitaliste. Nous devons nous rebeller contre elle.
- Faire des conseils notre arme. En temps ordinaire, les grèves et les arrêts de travail sont puissants. Mais en temps de guerre, les grèves peuvent être récupérées par l’un des deux camps. Nous devons aller plus loin : nous devons nous emparer des moyens de production. Il ne s’agit pas seulement d’arrêter le travail, mais d’en prendre le contrôle. C’est ce qui terrifie le plus le régime islamique et le capital occidental. Oui, nous serons réprimés. Mais nous devons commencer. Nouer des contacts. Se coordonner. Construire. Associer nos conseils en un mouvement capable de prendre le contrôle du travail, de la vie et de la production.
- Qu’en est-il de nos besoins immédiats – médicaments, logement, énergie, nourriture ? Ils ne peuvent être assurés dans le cadre du commerce capitaliste. Notre consigne doit être : Occuper. Préparer. Élargir. Plus nous serons préparés à saisir et à organiser la vie collectivement, plus nous aurons de pouvoir pour imposer nos revendications et assurer notre survie.
- Nous devons agir en tant que classe. Nous avons passé des générations à éviter cette voie, trompés par de faux espoirs : syndicalisme, démocratie, ONG, révolutions arc-en-ciel, anti-impérialisme, fédéralisme. Ils nous ont conduits à l’épuisement, à la trahison, à la ruine. Un jour, il faudra bien commencer. Ce jour est attendu depuis longtemps. Faisons en sorte que cela se produise maintenant.
15 juin 2025
Travailleurs anticapitalistes (Iran)
Traduction française : Les Amis de la Guerre de Classe