/ Deutsch / Čestína / Français / English /
/ GUERRE de CLASSE / Nous publions ici un texte du groupe germanophone AST (Tendance social-révolutionnaire antipolitique) que nous avons traduit en français et en anglais. Globalement, nous apprécions les efforts militants de ces camarades, tout particulièrement en ce qui concerne l’action défaitiste révolutionnaire, c’est-à-dire la lutte contre la guerre et la paix capitaliste.
Des points de désaccords, non résolus à ce jour, émaillent néanmoins leurs contributions, tout particulièrement à propos de la trop fameuse « question du parti » et de son corolaire « la période de transition », la question de l’État en général et de l’État capitaliste en particulier, sans oublier l’épineuse approche de l’essence même de la démocratie. Cette dernière ne peut être saisie par les communistes qu’en tant que négation en actes de l’antagonisme entre les classes (et de son dépassement révolutionnaire) ainsi que leur fusion en une entité de (ré)conciliation nationale appelée « le peuple » – que celui-ci soit « souverain » et électeur ou soumis au joug d’un « dictateur » ou d’un parti-unique importe peu. On l’aura compris, la ligne de fracture ne se situe pas entre « démocratie » et « dictature » mais bien entre révolution et contre-révolution, entre abolition des rapports sociaux capitalistes et renforcement de ces derniers, quitte au passage à les repeindre en rouge, voire en rouge et noir. Fasciste ou antifasciste, la démocratie c’est toujours la dictature du capital.
Dans le présent texte, les camarades de l’AST développe à foison leur critique du « parti » qu’ils assimilent trop rapidement au parti léniniste, au parti bolchevik… Lorsqu’ils critiquent ce qu’ils appellent le « marxisme de parti » (Parteimarxismus), ce qui doit tout particulièrement être visé, selon nous, ce sont « les constructeurs de partis et d’internationales », les « porteurs et importateurs de la conscience pour la classe », cette « conscience socialiste [qui] est un élément importé du dehors dans la lutte de classe du prolétariat, et non quelque chose qui en surgit spontanément » (Kautsky cité par Lénine dans « Que faire ? »).
Mais plus globalement, et au-delà des termes et expressions utilisés, nous pouvons évidemment voir apparaître ici un premier point de désaccord avec les camarades de l’AST au sujet de l’organisation de la lutte du prolétariat qui émerge spontanément du sol fertile des rapports sociaux capitalistes, prolétariat qui s’affirme nécessairement en tant que force, en tant qu’énergie pleine et entière, et qui se doit d’abattre toute matérialisation de la dictature sociale de la valeur, de la marchandise, de l’argent, c’est-à-dire du Capital et de son État. Cette force sociale, cette énergie destructrice de « l’existant » destructeur de notre humanité, c’est le prolétariat qui s’organise en classe (contre toutes les classes et pour leur abolition définitive !), qui s’organise en parti (contre tous les partis et pour leur abolition tout autant définitive !), qui s’organise donc en parti qui n’est pas un parti « au sens traditionnel du terme » (comme l’affirmaient déjà les camarades du KAPD il y a plus d’un siècle), mais qui est en pratique une anti-classe, un antiparti !!!
La révolution prolétarienne n’a rien de commun avec les « révolutions » politiques bourgeoises. L’organisation du prolétariat en parti n’a donc rien de commun avec les partis politiques bourgeois et surtout pas avec la conception léniniste du parti. Ce à quoi nous faisons référence, c’est la distinction entre le parti de l’ordre contre la classe prolétarienne comme parti de l’anarchie, du socialisme, du communisme. (Marx, Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, 1852)
Le prolétariat organisé en parti n’aspire pas à conquérir démocratiquement le pouvoir mais, au contraire, il émerge de l’impérieuse nécessité de liquider ce pouvoir, cette démocratie et tout ce qui sépare le prolétariat de son humanité, de sa Gemeinwesen.
Il fut un temps, au 19ème siècle et même au début du 20ème, où la discussion internationale assimilait très bien la formule du prolétariat s’organisant en classe et donc en parti ; cela ne posait problème à aucun militant sincère de notre classe, même parmi celles et ceux qui se revendiquaient du drapeau noir de l’anarchie. Parmi les plus combattifs d’entre eux, Malatesta par exemple se référait ouvertement au « parti anarchiste » : « Par parti anarchiste, nous entendons l’ensemble de ceux qui veulent contribuer à faire de l’anarchie une réalité et qui doivent donc se fixer un objectif à atteindre et un chemin à suivre. » Ou encore, trente ans plus tard, il persiste et signe : « Nous, anarchistes, pouvons tous dire que nous sommes du même parti, si par le mot “parti” nous entendons tous ceux qui sont dans le même camp, c’est-à-dire qui partagent les mêmes aspirations générales et qui, d’une manière ou d’une autre, luttent pour les mêmes fins contre des adversaires et des ennemis communs. »
Classe et parti ne sont pas deux êtres historiques différents qui devraient se définir séparément pour ensuite entrer en relation. Au contraire, ils sont des expressions distinctes d’un seul et même être historique : le communisme. Le parti est le mouvement communiste constitué en force internationale, l’organisation de la classe révolutionnaire porteuse du communisme, et naissant spontanément et se développant sur la base d’une communauté d’intérêts et de perspectives, une véritable communauté de lutte prolétarienne.
Cette tendance à l’organisation mondiale du prolétariat, à son affirmation programmatique et à sa centralisation organique affronte toutes les forces et idéologies de la contre-révolution.
Ou pour le dire encore autrement, nous sommes partisans de l’auto-organisation révolutionnaire du prolétariat, c’est-à-dire du « parti historique » de la révolution communiste mondiale, qui jaillit spontanément du sol de la société bourgeoise et qui n’a rien à voir avec l’avant-gardisme autoproclamé. L’auto-organisation du prolétariat, l’indépendance de classe et l’action directe sont indissociables et signifient lutter sans intermédiaires ni représentants ; c’est-à-dire lutter en dehors et contre les syndicats, les partis, les élections, les parlements, la légalité bourgeoise, etc.
Considérant que, lorsque le prolétariat se soulève et fait trembler l’ordre capitaliste, la droite et la gauche du Capital s’unissent en un seul parti contre lui, c’est-à-dire « le parti de la démocratie » ; en retour, le « parti historique » du prolétariat révolutionnaire est un parti contre la démocratie, c’est-à-dire contre la dictature sociale du Capital et de son État sur le prolétariat.
Le « parti historique » n’est pas un parti formel, au sens « traditionnel », ou un État comme les partis léninistes appelés à tort « communistes ». Mais c’est un parti d’action qui, bien qu’il ait besoin de se structurer pour organiser les tâches révolutionnaires, va bien au-delà du formel. C’est le prolétariat lui-même qui s’organise et agit organiquement en tant que classe révolutionnaire. C’est le mouvement réel qui annule et dépasse l’état actuel des choses. C’est le parti du communisme et de l’anarchie contre le parti de la démocratie. C’est l’auto-organisation révolutionnaire du prolétariat en action.
Un second point d’achoppement apparaît aussi très clairement dans le point 2 du présent texte : « Pour la destruction révolutionnaire de tous les États ». Le prolétariat en lutte s’affronte à toutes les formes organisées de l’État capitaliste qui impose et réalise la dictature sociale de la valeur se valorisant à travers le travail salarié, l’échange, le marché mondial, l’argent… Mais contre cette réalité, notre classe se doit d’organiser, de structurer et d’imposer sa dictature mondiale des besoins humains contre le Capital et la terreur révolutionnaire contre les forces bourgeoises, et ce processus ne se réalisera pas en éliminant simplement des mots et des expressions qui pourraient semblés gênants. Ce que le texte de l’AST exprime quelque peu maladroitement en ces termes : « Dans la révolution mondiale, il y aura donc aussi bien des communautés sans classes et sans États que des États capitalistes. » Mais sans voir en quoi les uns s’affrontent aux autres dans une lutte à mort…
La dictature prolétarienne signifie l’abolition des rapports sociaux existants : abolition du travail salarié, abolition de professions et productions inutiles, élimination des rapports d’échange de tous les aspects de nos vies, abolition de l’économie et de la production pour le profit et subordination de toutes les forces productives aux besoins humains et aux besoins de la révolution mondiale, disparition de la différence entre travail et loisir, ville et campagne et toutes les autres séparations, destruction violente de l’État et son remplacement par des organes de l’auto-organisation révolutionnaire prolétarienne, bref tout ce que le triomphe de la révolution transforme en une communauté humaine globale. Par ce processus historique, le prolétariat (en tant que dernière classe existante) s’abolit ainsi que la société de classe toute entière et développe complètement la communauté humaine mondiale.
La dictature du prolétariat signifie donc l’abolition violente du travail salarié, du mode de production capitaliste et de toutes les relations sociales qu’il reproduit. C’est le processus nécessairement violent, répressif et despotique autant que subversif, qui déracine le tissu social même de la réalité capitaliste. Il impose directement et immédiatement la satisfaction de nos besoins humains, dont nous sommes dépossédés sous le capitalisme par notre rôle même de classe, dont la force de travail est exploitée et dont les produits du travail nous sont aliénés.
Il y aura une violente insurrection contre l’État au cours de laquelle le prolétariat s’emparera des moyens de production ainsi que des infrastructures de communication et de distribution et il attaquera violemment et renversera les centres de pouvoir de l’État. Alors le prolétariat expropriera les usines et la terre pour produire en vue de la satisfaction directe de ses besoins plutôt que pour le profit des capitalistes. Les prolétaires en uniforme retourneront leurs armes contre leurs propres généraux, ils cesseront de combattre dans les guerres des capitalistes, ils pilleront les dépôts d’armes et partageront celles-ci avec le reste du prolétariat et, ensemble, ils libéreront les prisonniers et prendront d’assaut les centres de pouvoir. L’État capitaliste sera attaqué de toutes parts et activement réprimé et subverti par notre violence de classe. Non seulement le gouvernement et les forces de répression, mais aussi l’État en tant que totalité, en tant que système des rapports sociaux capitalistes – c’est-à-dire les syndicats, la citoyenneté, la foi, la famille, l’éducation, etc. seront absorbés dans le maelstrom de l’abolition révolutionnaire de l’existant. Ce processus, que nous appelons dictature du prolétariat ou encore période transitoire entre le capitalisme et le communisme pleinement réalisé, ne s’incarne nullement dans « des appareils de violence séparés de la société » comme le suppose le texte de l’AST mais bien comme une unité dialectique entre la classe prolétarienne en lutte et ses éléments dirigeants les plus clairvoyants et dont la motricité apporte, sinon une garantie au succès de la révolution, du moins la pousse jusque dans ses ultimes conséquences.
Soyons clairs, cela ne peut être réalisé qu’en étendant la révolution au niveau mondial et toute activité humaine doit être subordonnée à cet objectif. Le « socialisme dans un seul pays » (ou groupe de pays) n’existe pas, comme le prétendent les bolcheviks/léninistes de tous poils (y compris même les libertaires qui bavent d’admiration devant la « révolution du Rojava », les « communes libres » zapatistes ou encore la « Palestine libre », ad nauseam) – au contraire, c’est une position absolument contre-révolutionnaire ! Le concept de « socialisme dans un seul pays » n’était rien d’autre qu’un outil pour permettre et justifier le renforcement de la dictature du Capital sur le prolétariat en Russie aux mains du parti bolchevik et de sa politique.
Afin de réaliser l’activité organisée de la société jusqu’à la réalisation du communisme, la révolution prolétarienne doit détruire violemment toutes les institutions et tous les appareils de la contre-révolution qui veulent maintenir la dictature de la valeur contre les besoins humains. Nous devons insister sur ce point – cela signifie la suppression active du travail salarié, de l’échange (commerce), de toute forme d’autonomie régionale ou locale qui pourrait devenir la base d’une future réaction nationaliste, de la liberté d’expression et d’association pour les forces contre-révolutionnaires…
Mais pour en revenir au texte de l’AST, que les quelques points de désaccords, et d’autres encore, que nous mettons en avant ne nous gâchent pas le plaisir de partager internationalement et de soumettre à la critique collective cette contribution de camarades qui, avec forces et faiblesses (comme toute structuration militante révolutionnaire internationaliste qui se développe sous le soleil noir du capital), tentent d’ébaucher et d’affirmer le programme du communisme et l’action directe du prolétariat en lutte. Et dans ce sens, le développement/renforcement de notre communauté de lutte prolétarienne mondiale, auquel participe le présent texte, au-delà de la division en familles idéologiques, nous semble plus que nécessaire, voire incontournable !
Bonne lecture !
GdC.
Pour la création d’un réseau mondial des anarchistes révolutionnaires et des communistes anti-léninistes !
La dynamique de crise et de guerre meurtrière du capitalisme mondial appelle à la création d’un réseau planétaire des anarchistes révolutionnaires et des communistes anti-léninistes. Le prolétariat mondial est impitoyablement subsumé par la bourgeoisie mondiale. La lutte de classe du prolétariat est toujours menée dans le cadre reproductif du capitalisme, dont la perspective ne peut signifier pour les prolétaires que l’exploitation, le chômage, la gestion de la misère par l’État, l’aggravation de la crise éco-sociale et la guerre, voire une paix antisociale.
Le mouvement ouvrier institutionnalisé à l’échelle mondiale (syndicats et partis politiques) est l’expression bureaucratique des limites de la lutte de classe prolétarienne qui reproduisent le capitalisme. Les appareils bureaucratiques bourgeois des partis et des syndicats se sont majoritairement intégrés dans le capitalisme et sont devenus la chair de sa chair. L’anarcho-syndicalisme et le marxisme de parti (Parteimarxismus) (social-démocratie de gauche, marxisme-léninisme, trotskysme et communisme de gauche) font eux-mêmes partie du problème capitaliste ou sont incapables de développer une alternative révolutionnaire au Capital, à l’État et au mouvement ouvrier institutionnalisé.
Ce dernier point est particulièrement vrai pour le communisme de gauche. En raison de son antiparlementarisme, de son hostilité envers les syndicats ainsi que son rejet de la libération nationale et de l’autodétermination, il est trop radical pour s’intégrer au capitalisme, mais trop borné idéologiquement pour reconnaître le caractère contre-révolutionnaire du bolchevisme étatiste à partir de 1917 et pour comprendre que le parti politique est fondamentalement une forme d’organisation bureaucratique bourgeoise qui ne peut que reproduire le capitalisme, mais pas le dépasser de manière révolutionnaire. Les tergiversations embarrassantes sur la question de l’État – le fameux « semi-État » que les communistes de gauche envisagent dans la révolution – sont une tendance antirévolutionnaire. D’une part, il ne peut y avoir que des États entiers et d’autre part, ceux-ci sont toujours contre-révolutionnaires !
La création d’un réseau mondial des anarchistes révolutionnaires et des communistes anti-léninistes en tant qu’alternative à l’anarcho-syndicalisme et au marxisme de parti, en termes d’organisation et de contenu, est donc absolument nécessaire. La Tendance social-révolutionnaire antipolitique (AST) aspire à moyen terme à une fédération mondiale de ces forces révolutionnaires.
Pas d’« Internationale » bureaucratique, centralisatrice et idéologiquement dogmatique !
Nous n’aspirons pas à une Internationale bureaucratique et centralisatrice, avec un énorme appareil mondial qui dirigerait les différentes sections dans les différentes nations. Non, la création d’un réseau mondial des anarchistes révolutionnaires et des communistes anti-léninistes, que nous voulons construire patiemment avec vous à moyen terme, doit rompre clairement et sans ambiguïté avec la tradition bureaucratique-centralisatrice et idéologique-dogmatique des quatre Internationales du marxisme de parti (social-démocrate, marxiste-léniniste et trotskyste). Bien entendu, il doit aussi se distinguer des regroupements internationaux anarcho-syndicalistes et communistes de gauche.
La création d’un réseau mondial ne doit pas niveler les différentes origines et traditions théoriques et culturelles, mais les réunir de manière productive. Il doit permettre des expériences communautaires pratiques d’individus et de petits groupes ainsi que des discussions de fond entre eux, et ainsi surmonter l’isolement. Il doit reposer entièrement sur la solidarité collective des individus et des groupes. Individuel et libre comme un arbre, mais fraternel comme une forêt !
Bien entendu, il faut aussi éviter l’arbitraire. La création d’un réseau mondial de groupes et d’individus révolutionnaires ne peut pas être une fin en soi, mais doit être la préparation pratique et mentale commune à une possible révolution mondiale.
Base de discussion pour un consensus minimal sur le contenu d’une fédération mondiale d’anarchistes révolutionnaires et de communistes anti-léninistes
Pour que la création d’un réseau mondial des anarchistes révolutionnaires et des communistes anti-léninistes puisse devenir une alternative claire, en termes d’organisation et de contenu, au marxisme de parti et à l’anarcho-syndicalisme, il doit reposer sur des principes de base clairs. L’AST propose les points suivants pour la discussion.
1. Pour l’abolition révolutionnaire de la production marchande. La production de marchandises repose sur des entités économiques petites-bourgeoises et capitalistes globalement séparées les unes des autres, qui doivent échanger leurs produits au moyen du rapport marchandise/argent. L’argent est l’expression autonome de la valeur d’échange. La base de la valeur d’échange est la valeur de production, le temps moyen socialement nécessaire à la production d’une marchandise. En règle générale, plus la valeur de production d’une marchandise est élevée, plus sa valeur d’échange l’est également. En outre, la valeur d’échange est également déterminée par la concurrence sur le marché entre l’offre et la demande.
En transférant les moyens de production et l’infrastructure sociale sous le contrôle de l’ensemble de la société et en détruisant l’État, le prolétariat s’abolissant par la révolution crée les conditions pour la suppression de la valeur d’échange. Le dépassement de la valeur d’échange signifie que dans la communauté sans classe et sans État, les produits ne sont pas échangés – même pas par un échange en nature et sans argent ! – mais sont distribués collectivement et solidairement à l’échelle de la société. Les individus ne sont pas des objets passifs de la gestion et de la planification de la production ainsi que de la répartition des produits au sein de la société, mais des sujets actifs.
Les révolutionnaires critiquent toute « socialisation » au sein de la production marchande et de l’État comme étant une fausse alternative. Les coopératives et les entreprises « autogérées » au sein du capitalisme sont, dans le meilleur des cas, des formes collectives petites-bourgeoises de production de marchandises et se transforment aisément en sociétés de capitaux.
2. Pour la destruction révolutionnaire de tous les États. Les États sont fondamentalement des appareils de violence socialement réactionnaires des sociétés de classe. Sous le capitalisme, les États sont les appareils de violence politique de la reproduction du capital. Il ne peut y avoir d’États « progressistes » ou « socialistes ». Le prolétariat qui s’auto-abolit par la révolution doit détruire l’État ! Les « semi-États » d’une prétendue « société de transition », fantasmés par la gauche communiste, ne peuvent pas exister. Entre l’État capitaliste et la communauté sans classe et sans État, il n’y a pas de « société transitoire » étatisée, mais « seulement » le possible écrasement révolutionnaire de l’État ! Détruire l’État, c’est organiser la vie de manière collective et à l’échelle de la société, sans appareils de violence ni politiciens professionnels.
Comme il est impossible que le prolétariat d’un pays, d’un groupe de pays, d’un continent, attende que ses frères et sœurs de classe du monde entier soient prêts pour faire la révolution sociale, la révolution mondiale ne peut être qu’une chaîne permanente de destruction des États-nations. Dans la révolution mondiale, il y aura donc aussi bien des communautés sans classes et sans États que des États capitalistes. La lutte révolutionnaire contre la contre-révolution – qu’il s’agisse de bandes de maraudeurs ou d’États – repose sur la militance collective du prolétariat qui s’abolit par la révolution, c’est-à-dire la communauté sans classe et sans État, mais elle ne repose nullement sur des appareils de violence séparés de la société. Ces derniers seraient l’État qui se reproduit. Dans la pratique, il sera difficile d’exercer la violence révolutionnaire nécessaire contre la contre-révolution sans reproduire l’État. Mais l’État qui se reproduit c’est la contre-révolution ! C’est pourquoi il faut lutter sans compromis contre l’idéologie communiste de gauche du « semi-État » dans la prétendue « période de transition » entre le capitalisme et le communisme ! La révolution mondiale ne s’achèvera que lorsque tous les États capitalistes auront été détruits par la révolution.
3. Contre le mouvement ouvrier institutionnalisé (syndicats et partis politiques). Les syndicats sont l’expression bureaucratiquement aliénée de la lutte de classe reproductive du prolétariat au sein du capitalisme. Au début du capitalisme, la bourgeoisie était encore totalement répressive à l’égard de la lutte de classe prolétarienne. Les grèves et les syndicats étaient absolument interdits. Mais une grande partie de la classe dirigeante a reconnu, dans le cadre d’un processus d’apprentissage social – notamment sous la pression du prolétariat combattif – que dans une société de classe, la lutte de classe ne pouvait pas être effectivement interdite de manière absolue. Ainsi, dans les différents États, la lutte de classe reproductive et les syndicats ont été légalisés sous certaines conditions. La lutte des classes a été légalisée et donc tendanciellement déradicalisée. Les syndicats sont devenus des cogestionnaires de l’exploitation capitaliste par le biais du système des conventions collectives, des comités d’entreprise et du partenariat social, ainsi qu’à la présence de bonzes syndicaux dans les conseils d’administration des entreprises.
La plupart des syndicats sont marqués par une opposition de classe antagoniste. D’un côté, les appareils bureaucratiques bourgeois des fonctionnaires à plein temps – qui n’appartiennent pas (ou plus) socialement au prolétariat – et de l’autre, les fonctionnaires bénévoles et la base salariée comme masse de manœuvre. La tendance principale des appareils syndicaux est de s’intégrer complètement dans l’État capitaliste.
Les syndicats ne peuvent en principe mener qu’une lutte de classe reproductive et socio-réformiste pour des salaires plus élevés, pour des horaires de travail plus courts et une intensité de travail moindre, ainsi que contre les attaques du capital et de l’État au sein du capitalisme, mais ils ne savent pas mener de lutte révolutionnaire pour une société sans classe et sans État. Bien entendu, il existe de grandes différences entre eux. Il existe ainsi des syndicats totalement réactionnaires sur le plan social, qui sont totalement intégrés dans leurs États respectifs et qui soutiennent également leurs guerres impérialistes, mais il y a aussi des syndicats de base qui mènent une lutte de classe pacifiste et réformiste contre le réarmement, le commerce des armes et la guerre.
Les affirmations de l’anarcho-syndicalisme selon lesquelles il pourrait y avoir des syndicats révolutionnaires et qu’il les construirait ont été démenties par sa propre pratique. En s’adaptant au système des conventions collectives, des comités d’entreprise et du partenariat social ainsi qu’à la conscience réformiste de la majorité du prolétariat, l’anarcho-syndicalisme est devenu lui-même un courant du réformisme syndical mondial. Les syndicats sont la forme d’organisation de la lutte de classe reproductive au sein du capitalisme, et ils ne sont absolument pas révolutionnaires au point de l’abattre. Les syndicats ne peuvent pas être révolutionnaires et les organisations révolutionnaires de lutte de classe (voir point 5) ne peuvent pas être des syndicats !
En période non révolutionnaire, les révolutionnaires peuvent être de simples membres des syndicats. Mais ils ne peuvent pas y occuper des fonctions à temps partiel ou à plein temps. Les syndicats doivent en principe être remplacés par des organisations révolutionnaires de lutte de classe, qui ne pourront toutefois se former que dans la révolution sociale. Dans la lutte de classe reproductive au sein du capitalisme, l’auto-organisation prolétarienne se développe comme alternative à la bureaucratie syndicale (voir point 5). Les appareils syndicaux totalement intégrés dans l’État capitaliste, qui soutiennent également les guerres impérialistes, doivent être activement démantelés dans la révolution sociale !
Les partis politiques se sont constitués à partir du 19e siècle en unités de base de la politique bourgeoise, certes pas absolument nécessaires, mais largement répandues. Les démocraties parlementaires sont des dictatures pluralistes multipartites. Les partis politiques y sont en concurrence pour la domination de l’appareil d’État sous la forme d’élections libres. Les élections libres transforment les prolétaires en bétail électoral qui autorise leurs ennemis de classe structurels, les politiciens professionnels, soit à gouverner l’État capitaliste, soit à s’y opposer tout en restant loyal au système. Outre les démocraties, il y a eu et il y a encore des dictatures fascistes et marxistes-léninistes (voir point 4) à parti unique.
Les partis politiques sont divisés en appareils bureaucratiques bourgeois composés de fonctionnaires à plein temps, de politiciens et d’idéologues professionnels d’une part, et de la base petite-bourgeoise et prolétarienne d’autre part. On peut faire la distinction entre les partis protestataires (et insurrectionnels) radicaux petits-bourgeois et les partis du système de la grande bourgeoisie.
A partir de la seconde moitié du 19e siècle, des partis sociaux-démocrates de masse se sont formés en tant qu’aile politique du mouvement ouvrier institutionnalisé. Certains d’entre eux se dupaient eux-mêmes et trompaient le prolétariat avec une idéologie « révolutionnaire » qui ne correspondait cependant pas à leur pratique du réformisme social parlementaire, mais au contraire la masquait. Ils participaient aux élections et s’intégraient de plus en plus dans le système parlementaire. Les appareils bureaucratiques bourgeois des partis sociaux-démocrates avaient pour principale tendance de devenir un personnel gouvernemental de l’État capitaliste pleinement reconnu par la bourgeoisie.
Pour la social-démocratie européenne, ce moment est arrivé en 1914, au début de la Première Guerre mondiale et de la crise révolutionnaire européenne d’après-guerre (1917-1923). La plupart des partis sociaux-démocrates européens ont soutenu la Première Guerre mondiale du côté de leurs États-nations respectifs. Seuls les secteurs pacifistes et radicaux de la social-démocratie étaient opposés à la participation à la guerre. Pendant la crise révolutionnaire européenne d’après-guerre, la social-démocratie – en particulier le SPD allemand – est devenue ouvertement contre-révolutionnaire, écrasant dans le sang le prolétariat révolutionnaire combattif. Aujourd’hui, la social-démocratie est totalement intégrée au capitalisme.
Suite à la crise révolutionnaire européenne d’après-guerre, l’aile radicale de la social-démocratie s’est scindée dans le monde entier, tant sous forme de « communisme » de parti que de communisme de conseils. Dans certaines nations, des dictatures de parti marxistes-léninistes ont vu le jour (voir point 4). Dans les démocraties du capitalisme privé hautement développé, les partis marxistes-léninistes et trotskistes se sont intégrés dans le système parlementaire. En participant aux élections parlementaires, le marxisme-léninisme et le trotskisme contribuent à reproduire la démocratie en tant que dictature du capital sur le plan pratique et mental et à éduquer les prolétaires pour qu’ils deviennent un bétail électoral et de bons citoyens démocratiques.
Les groupes qui s’organisent en réseau, issus tant de l’anarchisme révolutionnaire que du communisme anti-léniniste, rejettent le parti politique comme forme d’organisation du prolétariat combattif et des minorités révolutionnaires. Leurs petits groupes ne sont ni des syndicats ni des partis politiques et ils n’aspirent pas à le devenir.
4. L’anti-léninisme révolutionnaire. La prise de pouvoir politique du parti bolchevique en octobre 1917 – selon l’ancien calendrier russe – n’a pas constitué une « révolution prolétarienne », comme le prétend le marxisme de parti, y compris le communisme de gauche, mais le prologue de la contre-révolution capitaliste d’État. Le régime social-réactionnaire de Lénine-Trotski a détruit les soviets en tant qu’organes d’auto-organisation du prolétariat dans la lutte des classes. Depuis la nationalisation de la grande industrie au début de l’été 1918, il s’agissait d’un capitalisme d’État. D’autres conquêtes de pouvoir politique social-réactionnaire par des appareils de parti marxistes-léninistes ont suivi, ainsi que la formation de régimes capitalistes d’État en Eurasie, en Afrique et à Cuba.
Les rapports de production ultra-centralisés et hyper-bureaucratiques du capitalisme d’État ont favorisé l’industrialisation initiale, tardive et accélérée des anciennes nations agricoles, mais ils n’ont pas pu résister à long terme à la concurrence du capitalisme privé hautement développé, raison pour laquelle des fractions réformistes en faveur du capitalisme privé se sont développées dans les partis d’État marxistes-léninistes et ont conquis le pouvoir politique. Celles-ci ont alors transformé le capitalisme d’État en capitalisme privé. En Union soviétique et en Europe de l’Est, les dictatures de parti marxistes-léninistes se sont effondrées. En Chine, au Vietnam et à Cuba, le capital a été et est toujours privatisé sous la domination des partis marxistes-léninistes.
5. Pour l’auto-organisation de lalutte de classe et l’auto-abolition révolutionnaire du prolétariat. Le prolétariat ne peut faire valoir ses intérêts et ses besoins contre le capital et l’État que dans le cadre de l’auto-organisation de la lutte de classe. L’auto-organisation de la lutte de classe est déjà dirigée contre les appareils syndicaux bourgeois et bureaucratiques dans la lutte de classe reproductive au sein du capitalisme. C’est surtout dans les arrêts de travail prolongés, officiellement menés par les syndicats, que se développent parfois des formes de double pouvoir. D’un côté, l’auto-organisation de la base et de l’autre, les appareils syndicaux bureaucratiques bourgeois. L’auto-organisation des salariés dans la lutte de classe reproductive prend sa forme la plus élevée dans des grèves sauvages, indépendamment des syndicats. Si l’arrêt de travail est relativement court et que les effectifs sont relativement petits, l’auto-organisation informelle des salariés suffit souvent. Mais si la grève sauvage dure plus longtemps et/ou implique des effectifs plus importants ou plus nombreux, des organes officiels d’auto-organisation de la lutte de classe, des comités de grève indépendants des syndicats, deviennent nécessaires.
Les petits groupes révolutionnaires s’orientent vers l’auto-organisation du prolétariat dans la lutte de classe, mais refusent de prétendre à sa « direction ». Leur fonction est de donner des impulsions pratiques et mentales pour la radicalisation de la lutte des classes. Tout en sachant que l’impulsion principale pour la radicalisation du prolétariat est sa propre lutte pratique. Les révolutionnaires rejettent toute politique de substitution au prolétariat, y compris la guerre de guérilla séparée de la lutte de classe.
Dans des situations extraordinaires, la lutte de classe prolétarienne peut se radicaliser en révolution sociale. L’organisation révolutionnaire de la lutte de classe est alors nécessaire. Nous entendons par là l’organisation de la révolution. Celle-ci sera marquée à la fois par l’action informelle du prolétariat et par les organes officiels de l’auto-organisation de la lutte de classe. La tâche de l’organisation révolutionnaire de la lutte des classes sera la suppression de la production marchande (point 1) et le démantèlement révolutionnaire de l’État (point 2). Si elle y parvient, l’organisation révolutionnaire de lutte de classe se transformera en une communauté sans classe et sans État. L’organisation révolutionnaire de la lutte des classes est donc l’auto-abolition du prolétariat en tant que processus.
Cette organisation révolutionnaire du prolétariat ne peut abolir la production marchande et détruire l’État que si elle repose entièrement sur l’auto-organisation collective et solidaire de la classe, sans appareils bureaucratiques ni politiciens professionnels. Les fonctionnaires des syndicats et des partis ainsi que les politiciens professionnels n’ont rien à faire dans l’organisation révolutionnaire de la lutte de classe du prolétariat ! Les petits groupes révolutionnaires de l’époque prérévolutionnaire se fondent dans l’organisation révolutionnaire de lutte de classe. Celle-ci ne peut accoucher de la société sans classe et sans État que si elle est déjà pleine de ses principes d’organisation.
Nous ne savons pas à quoi ressemblera la future organisation révolutionnaire de la lutte des classes. Les conseils d’ouvriers et de soldats de la crise révolutionnaire européenne d’après-guerre (1917-1923) n’étaient que potentiellement et tendanciellement révolutionnaires. Ils ne s’étaient pas encore fixé l’objectif clair de l’abolition de la production marchande et du démantèlement révolutionnaire de l’État. Et ils ont d’abord été déformés, par exemple en Russie, par des politiciens professionnels mencheviks et « sociaux-révolutionnaires » qui tentaient d’intégrer les soviets dans l’État qui affirme sa tendance vers le capitalisme privé. Par la suite, les politiciens professionnels bolcheviks ont pris de plus en plus de place dans les soviets. Les bolcheviks réclamaient démagogiquement : « Tout le pouvoir aux soviets ! » Lorsqu’ils ont ensuite conquis le pouvoir politique avec l’aide des soviets, ils les ont démantelés en tant qu’organes d’auto-organisation de la lutte des classes. Il n’y a qu’une seule leçon à tirer de cela : les politiciens professionnels hors de l’organisation révolutionnaire de la lutte de classe ! Tous les partis politiques – y compris ceux de la gauche communiste – et les syndicats, y compris les anarcho-syndicalistes, qui aspirent à diriger le prolétariat révolutionnaire, doivent se faire taper sur les doigts !
6. Critique révolutionnaire de l’antifascisme. Les sociaux-révolutionnaires combattent la démocratie sans compromis – comme toutes les autres formes d’État. Ils luttent contre les fascistes, les nazis ainsi que les coups d’État et les dictatures militaires, mais ne défendent jamais la démocratie. Tout comme l’antifascisme a soutenu les régimes démocratiques contre les États fascistes et les coups d’État militaires pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre civile espagnole, et a ainsi contribué à organiser le grand massacre capitaliste du prolétariat mondial, il fait également partie aujourd’hui des idéologies de justification et de mobilisation pour la démocratie dans les différents massacres. Les révolutionnaires refusent les fronts unitaires et populaires avec les forces bourgeoises – y compris la social-démocratie, le marxisme-léninisme et le trotskisme – contre le néofascisme. Ils le combattent sur la base de la lutte des classes et de la révolution.
C’est la leçon de la guerre civile espagnole (1936-1939), au cours de laquelle le mouvement ouvrier institutionnalisé – des staliniens et des sociaux-démocrates à la CNT anarcho-syndicaliste en passant par le POUM socialiste de gauche – a formé avec d’autres forces bourgeoises un front populaire contre lequel les généraux de Franco ont fait un coup d’État. Le front populaire a mené à la fois une guerre civile intra-capitaliste et socialement réactionnaire contre les généraux putschistes et une lutte de classe par le haut contre le prolétariat et l’aile gauche du front populaire (POUM et base de la CNT). Le Front populaire a gagné la lutte des classes par le haut, tandis qu’il a perdu la guerre civile contre Franco. Les révolutionnaires ont dû combattre à la fois le Front populaire et les généraux putschistes.
7. Contre la « libération » nationale, l’autodétermination, l’autonomie. Les nations sont des communautés de contrainte ainsi qu’un semblant de communautés permettant au capital et au travail salarié de se développer. Leur noyau organisateur est l’État-nation. Les nations reposent économiquement sur la reproduction élargie du capital national, politiquement sur l’imposition du monopole de la violence par l’État et idéologiquement sur le nationalisme. Ce dernier intègre les salariés dans les États-nations respectifs et divise le prolétariat mondial. Celui-ci est impitoyablement subsumé dans l’interaction mondiale des nations, qu’il s’agisse de concurrence coopérative ou de coopération compétitive. Les prolétaires sont dressés les uns contre les autres par le nationalisme dans des massacres sanglants – dans l’intérêt du capitalisme mondial.
Les révolutionnaires combattent la discrimination et l’oppression nationalistes des minorités culturelles, linguistiques et religieuses ainsi que le racisme contre les personnes de certaines couleurs de peau. Mais ils s’opposent également à la formation de nouvelles nations à partir de ces minorités par une politique nationaliste. Pour celles-ci, soit on exige et on impose l’autonomie dans les États-nations existants (comme par exemple « les Kurdes » dans le nord de l’Irak et en Syrie), soit on crée un nouvel État-nation indépendant. La « libération » nationale, l’autodétermination et l’autonomie ne peuvent que reproduire le capital et l’État, mais pas les surmonter. Aucune « libération » nationale n’est efficace contre l’oppression nationaliste, seul le fait de se libérer socialement de la nation par une possible révolution mondiale et la communauté mondiale sans classe et sans État est efficace. Dans la concurrence mondiale entre les nations, les révolutionnaires ne soutiennent personne, mais combattent tout le monde.
8. Contre le pacifisme. Le pacifisme (petit) bourgeois défend la paix bourgeoise, tant au sein des États capitalistes qu’entre eux. Mais celle-ci n’est que la forme non militaire de la concurrence de tous contre tous. Elle est antisociale et violente. En politique intérieure, elle repose sur le monopole étatique de la violence et, en politique extérieure, sur le réarmement. La paix bourgeoise au sein du capitalisme n’est pas l’alternative à la guerre, mais sa source.
Le pacifisme exige un désarmement volontaire, coopératif et significatif des États capitalistes. Mais celui-ci est illusoire en raison de la concurrence mondiale. Il ne peut y avoir qu’un seul désarmement réel : le démantèlement de tous les États par une possible révolution globale. Une guerre de classe sans compromis ! Prolétariat mondial contre bourgeoisie mondiale !
9. Critique fondamentale aussi bien du patriarcat capitaliste que de l’émancipation bourgeoise des femmes sous le capitalisme. Pour la lutte révolutionnaire contre le patriarcat capitaliste. Le patriarcat capitaliste est à la fois interclassiste et spécifique à chaque classe. Les femmes sont sous-représentées au sein de la bourgeoisie (capitalistes, gestionnaires, politiciennes professionnelles et hauts fonctionnaires), tandis que les prolétaires sont soumises à une surexploitation sexiste. Les salaires des femmes, par exemple, sont en moyenne inférieurs à ceux des hommes. Le patriarcat capitaliste se manifeste également par le fait que la plupart des activités de reproduction bio-sociale (faire les courses, nettoyer le logement, soigner les personnes malades et/ou âgées, surveiller et éduquer les enfants…) sont, en moyenne, principalement effectuées par les femmes, tant au sein de la famille que par le biais du travail salarié. D’autres aspects du patriarcat capitaliste sont la dégradation du corps des femmes en objet sexuel – en particulier dans la pornographie et la prostitution –, la violence patriarcale sexiste à l’encontre des femmes, y compris les féminicides, et la répression étatique de l’avortement.
Le féminisme (petit) bourgeois se bat pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes au sein du capitalisme et donc de la division de classe. Au cours de son histoire, il a obtenu le droit de vote des femmes, l’accès des femmes à certaines professions ainsi qu’un nombre croissant de politiciennes professionnelles et de gestionnaires économiques. Il a également permis d’atténuer la surexploitation sexiste des femmes. La mise en œuvre complète de l’émancipation bourgeoise des femmes au sein du capitalisme signifierait que les femmes ne seraient plus sous-représentées au sein de la bourgeoisie, que les prolétaires ne seraient plus exploitées de manière sexiste et que les activités de reproduction bio-sociales seraient réparties de manière égale entre les sexes, mais inégale entre les classes. Le point 1 a plus de chances de s’imposer que les points 2 et 3, mais les femmes prolétaires n’ont rien à gagner à être gouvernées par davantage de politiciennes, exploitées par des femmes capitalistes et commandées par des patronnes. Le féminisme bourgeois mène tout droit à la « politique étrangère féministe » des États capitalistes-impérialistes…
Même si le féminisme (petit) bourgeois le nie avec force, il existe aussi un sexisme féminin contre les hommes. Bien sûr, la petite famille bourgeoise est fondamentalement patriarcale – notamment de par son histoire – et marquée par le sexisme masculin. Mais il existe aussi des relations interpersonnelles dans lesquelles les femmes oppriment les hommes. Et aussi le harcèlement sexuel des hommes par les femmes. Ce sexisme féminin s’exprime aussi en partie dans le féminisme (petit) bourgeois. Par exemple lorsque l’idéologie féministe suggère de manière subliminale mais affirme aussi parfois ouvertement que les femmes sont meilleures que les hommes. Ou lorsque certaines féministes se déchaînent contre les femmes transgenres en les qualifiant d’« hommes habillés en femmes ». Ce n’est pas « seulement » transphobe, c’est aussi sexiste contre les hommes. Les révolutionnaires combattent le sexisme féminin de manière aussi conséquente que le sexisme masculin.
Les révolutionnaires opposent fondamentalement l’émancipation bourgeoise des femmes sous le capitalisme à la lutte révolutionnaire contre le patriarcat. Grâce à la révolution sociale ainsi qu’à la communauté sans classe et sans État, de nombreuses activités de reproduction bio-sociales, qui sont principalement effectuées au sein de la famille et par les femmes sous le capitalisme, peuvent être socialisées sur une base volontaire et réparties équitablement entre tous les sexes. Seule l’abolition révolutionnaire du rapport marchandise/argent ainsi que de la misère sociale et sexuelle permettra de surmonter également la prostitution. Son interdiction par l’État, que réclame une partie du féminisme, ne peut que la pousser vers la clandestinité et rendre la vie des prostituées plus difficile.
10. Contre les normes hétérosexuelles et de genre – mais aussi contre la mensongère « tolérance arc-en-ciel » de l’État et la politique identitaire petite-bourgeoise. Les révolutionnaires combattent aussi bien la répression étatique contre les personnes qui ne correspondent pas à la norme hétérosexuelle et binaire de genre – les personnes homo/bisexuelles, non-binaires et transgenres – dans les pays où elle existe, que la « tolérance arc-en-ciel » mensongère de nations et d’alliances d’États plus libéraux sur cette question. En principe, le capitalisme n’a pas besoin de normalisations hétérosexuelles et de genre. Tant que les gays, les lesbiennes, les personnes non-binaires et transgenres augmentent le capital par une production assidue et une consommation ouverte et sont de bons citoyens, tout va bien pour le libéralisme moderne. Les États libéraux et les alliances d’États comme l’Union européenne (UE) font également de la « tolérance arc-en-ciel » une arme impérialiste contre les États avec lesquels ils sont en concurrence pour d’autres raisons et qui imposent de manière répressive la normalisation hétérosexuelle et de genre.
Les révolutionnaires font la distinction entre les genres biologiques, les rôles sociaux de genre et les identités de genre individuelles. Ils veulent abolir les rôles sociaux de genre par la révolution sociale (voir point 9), alors qu’ils tolèrent toutes les identités de genre individuelles, tant qu’elles ne sont pas dirigées contre les autres. Chacun(e) doit être heureux(se) à sa manière. Mais les révolutionnaires savent aussi que sous le capitalisme, toutes les identités – entre autres la « nation », la couleur de peau, la religion, le genre biologique, le rôle social de genre et l’identité de genre individuelle ainsi que l’orientation sexuelle – deviennent des costumes dans la lutte concurrentielle de tous contre tous. Le chauvinisme compétitif de la droite conservatrice et néofasciste contre les « étrangers », les « non-blancs », les homosexuels, les personnes non-binaires et transgenres, tout comme la haine de la gauche libérale contre les « hommes cis genres » et les « vieux hommes blancs » – afin que les jeunes femmes « non-blanches » puissent faire une bonne carrière au sein de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie. Les révolutionnaires combattent aussi bien la politique identitaire de la droite conservatrice et néofasciste que celle de la gauche libérale, qu’ils considèrent comme un chauvinisme compétitif et une division du prolétariat mondial.
11. Critique fondamentale de la « protection de l’environnement » bourgeoise au sein du capitalisme. Pour le nettoyage de la planète de la saleté capitaliste ! Le rapport de production capitaliste, dans lequel tout tourne autour de l’augmentation illimitée de la valeur d’échange/de l’argent, est absolument réactionnaire sur le plan social et destructeur contre le monde environnant, végétal et animal. L’empoisonnement massif, le bétonnage, la pollution et la déforestation de notre planète, le changement climatique et l’extinction massive des espèces sont des expressions dangereuses pour la vie de la crise socio-écologique produite en permanence par le capitalisme. Les tentatives technocratiques des États capitalistes d’atténuer au moins le changement climatique ne font qu’aggraver cette crise. La mobilité électrique au lieu du moteur à combustion ! Pour que le transport individuel, dangereux pour la vie, gaspilleur de ressources et destructeur, mais aussi très rentable, continue à être reproduit. Et que les forêts doivent céder la place à de nouvelles autoroutes. Atténuer le changement climatique en installant des éoliennes dans des « réserves naturelles » ! Voilà à quoi ressemblent les « solutions » de la technocratie capitaliste.
Même le mouvement écologique interclassiste n’est pas en mesure, par lui-même, de stopper la destruction capitaliste du monde végétal et animal ainsi que le changement climatique. Seule une possible révolution mondiale peut endiguer la crise éco-sociale en dépassant les rapports de production et de consommation capitalistes. Cela ne s’oppose pas à ce que les révolutionnaires participent à des mouvements locaux contre des destructions concrètes de la nature par le capitalisme, afin de donner des impulsions de radicalisation. Mais ils doivent toujours critiquer l’étroitesse structurelle petite-bourgeoise, même du mouvement écologique interclassiste le plus radical. Les révolutionnaires n’ont en principe rien à faire dans le mouvement écologique institutionnalisé, c’est-à-dire dans les différentes associations petites-bourgeoises.
Traduction française : Les Amis de la Guerre de Classe / Die Freunde des Klassenkriegs