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Source en anglais : https://awsm4u.noblogs.org/post/2024/11/23/37/
/ GUERRE DE CLASSE / Nous publions ici une contribution (traduite en français par nos soins) que nous avons trouvée sur un blog anarchiste de Nouvelle-Zélande (Aotearoa). Malgré certaines de ses limites programmatiques évidentes (jamais par exemple n’est soulevée la question de l’insurrection, et trop peu la nécessaire transformation de la guerre bourgeoise en révolution sociale mondiale !), nous considérons néanmoins que ce texte fait potentiellement partie (et à son niveau) de l’ensemble de la discussion sur la guerre et la paix capitaliste (et le refus des deux !) ainsi que sur l’organisation pratique du défaitisme révolutionnaire.
Ce que nous considérons aussi comme des limites, c’est par exemple le fait que le texte n’est pas clair (et même quelque part très confus) à propos du « peuple ukrainien » et d’une manière générale à propos du « peuple », qui pour les communistes n’est jamais rien d’autre qu’un concept démocratique niant l’antagonisme aigu et mortel existant entre deux classes : celle des exploités d’une part, et celle des exploiteurs d’autre part ; ceux qui possèdent la propriété privée des moyens de production contre ceux qui sont dépossédés des moyens d’existence, et qui sont dès lors obligés et contraints de vendre leur force de travail pour survivre. Nous ne pensons pas qu’il s’agisse d’une simple question de mots et nous souhaitons donc être clairs avec ces camarades…
Un autre problème se pose (dans une moindre mesure) lorsque le texte considère le défaitisme révolutionnaire comme « une idée née des mouvements révolutionnaires du début du 20ème siècle ». NON ! Comme nos camarades de Proletarios internacionalistas l’ont réaffirmé il n’y a pas si longtemps, et comme nous l’avons également fait à maintes reprises, le défaitisme révolutionnaire n’est PAS une idée mais une pratique sociale opposant notre classe à celle des exploiteurs, en temps de paix comme en cas de guerre.
Enfin et surtout (pour l’instant), nous ne sommes absolument pas d’accord avec 1/ l’illusion de ces camarades vis-à-vis de « la paix » et de « la justice » ainsi qu’à l’égard d’une série d’initiatives humanitaires et caritatives qui s’enveloppent d’un costume de neutralité mais qui au contraire se révèlent être les fervents partisans d’un camp bourgeois, ici en l’occurrence l’État ukrainien ; et 2/ nous refusons fermement l’affirmation du texte selon laquelle « il ne s’agit pas de nier le droit de l’Ukraine à l’autodéfense » !!! On s’en fout de l’Ukraine en tant que Nation, en tant qu’État… mais par contre nous nous soucions de nos frères et sœurs de classe qui vivent et meurent sous des tonnes de bombes partout dans le monde (en Ukraine, à Gaza, au Soudan, etc.), ainsi que de toute l’humanité qui souffre du travail, de l’exploitation, de la misère, de l’aliénation, des maladies, de la faim… d’une vie inhumaine ! Et ce, quelles que soient les conditions spécifiques auxquelles nous sommes enchaînés en tant que classe !
Ceci étant dit, nous saluons néanmoins ces camarades de Nouvelle-Zélande (Aotearoa) qui d’une part enfoncent un coin dans la position injustifiable des pseudo-« anarchistes » défensistes et bellicistes (en clair : les « anarchistes » pro-guerre !), et d’autre part posent les jalons en vue de joindre leurs forces (et leurs faiblesses que nous critiquons camaradement) aux « bataillons » de classe qui œuvrent avec leurs tout autant faibles forces (aujourd’hui !) à l’organisation du processus de la révolution sociale mondiale pour l’abolition de l’ensemble des rapports sociaux capitalistes… Eux-mêmes écrivent : « En tant qu’anarchistes, nous avons la responsabilité de nous opposer à cette guerre – non pas en choisissant un camp, mais en remettant en question les systèmes qui rendent les guerres inévitables. Le défaitisme révolutionnaire n’est pas passif ; c’est un appel à l’action. »
GdC.
Le défaitisme révolutionnaire et la guerre en Ukraine : un appel à la solidarité au-delà des nations
La guerre en cours en Ukraine représente une poudrière dans la politique mondiale, attirant l’attention des anarchistes, des socialistes et des activistes anti-guerres dans le monde entier. Alors que l’effusion de sang se poursuit, accompagnée d’une escalade de rhétorique de toutes parts, les anarchistes sont confrontés à une question cruciale : comment devons-nous réagir ? Le défaitisme révolutionnaire – une idée née des mouvements révolutionnaires du début du XXe siècle – offre un cadre puissant pour aborder les guerres impérialistes comme celle-ci. Il exige que nous nous opposions à tous les camps dans les conflits entre classes dominantes et que nous travaillions plutôt au démantèlement des systèmes qui perpétuent la guerre, l’exploitation et la souffrance.
Dans cet article, nous allons explorer les principes du défaitisme révolutionnaire, analyser comment ils s’appliquent à la guerre en Ukraine et esquisser une vision de la solidarité qui transcende les frontières. Le défaitisme révolutionnaire n’est pas synonyme d’opposition passive ou d’indifférence à la souffrance. Il s’agit d’un engagement actif dans la construction d’un monde où les guerres ne sont plus possibles.
Qu’est-ce que le défaitisme révolutionnaire ?
Le défaitisme révolutionnaire est apparu en réaction aux horreurs de la Première Guerre mondiale. Les socialistes révolutionnaires soutenaient que les travailleurs et les opprimés ne devaient pas soutenir les efforts de guerre de leurs gouvernements, même lorsqu’ils les qualifiaient de « guerres défensives » ou de « guerres justes ». Ils appelaient au contraire les travailleurs à s’opposer catégoriquement à la guerre, à perturber la capacité de leurs gouvernements à la mener et à transformer les conflits impérialistes en opportunités révolutionnaires.
Le défaitisme révolutionnaire rejette l’idée que les guerres menées par les classes dirigeantes puissent jamais profiter aux gens ordinaires. Il cherche au contraire à encourager la solidarité internationale, en remettant en cause la ferveur nationaliste qui dresse les travailleurs les uns contre les autres au nom de leurs oppresseurs.
Les principes du défaitisme révolutionnaire restent tout aussi pertinents aujourd’hui. Dans un monde dominé par la concurrence capitaliste, l’extraction des ressources et les rivalités géopolitiques, les guerres sont inévitables. Mais elles ne sont pas inévitables pour nous. Le défaitisme révolutionnaire nous met au défi de rejeter le cadre des États-nations et de considérer la guerre comme le symptôme d’un problème plus profond : l’existence des États, des frontières et du capitalisme lui-même.
La guerre en Ukraine : l’impérialisme déguisé en défense
La guerre en Ukraine est souvent présentée comme un simple conflit entre le bien et le mal : l’Ukraine défend sa souveraineté contre l’agression russe. Les médias occidentaux présentent les soldats ukrainiens comme des défenseurs héroïques de la démocratie, tandis que la propagande de l’État russe dépeint ses actions comme une défense contre l’empiètement de l’OTAN. Ces deux récits masquent la dynamique plus profonde en jeu : un affrontement entre puissances impérialistes, avec le peuple ukrainien coincé au milieu.
Les ambitions impériales de la Russie
L’invasion de l’Ukraine par la Russie est indéniablement un acte impérialiste. Le gouvernement de Vladimir Poutine cherche depuis longtemps à maintenir son influence sur les anciens États soviétiques, et l’Ukraine – géopolitiquement importante et riche en ressources – a été une cible clé. En présentant l’invasion comme une défense des populations russophones et une réponse à l’expansion de l’OTAN, le Kremlin fait appel au nationalisme pour justifier son agression.
Mais cette guerre n’est pas au bénéfice des Ukrainiens russophones ou des Russes ordinaires. Il s’agit d’une guerre visant à garantir les intérêts de la classe dirigeante russe, menée aux dépens des soldats de la classe ouvrière, dont beaucoup sont des conscrits originaires de régions marginalisées comme le Daghestan et la Bouriatie. Ces jeunes hommes sont envoyés mourir dans une guerre qu’ils n’ont pas choisie, tandis que les voix dissidentes en Russie sont réduites au silence par la répression.
La guerre par procuration de l’OTAN
De l’autre côté, l’OTAN et les puissances occidentales ont ardemment soutenu l’Ukraine, inondant le pays d’armes et d’aide militaire. Bien que cela soit présenté comme un soutien à la souveraineté ukrainienne, il est clair que l’implication de l’OTAN est motivée par ses propres intérêts impérialistes. Depuis des décennies, l’OTAN étend son influence vers l’est, contrariant la Russie et déstabilisant la région. L’Ukraine, en tant qu’État tampon, est devenue un champ de bataille pour cette rivalité géopolitique.
Les États-Unis et leurs alliés tirent un immense profit de ce conflit. Les fabricants d’armes engrangent des milliards grâce à l’afflux d’armes en Ukraine, tandis que les gouvernements occidentaux utilisent la guerre pour justifier l’augmentation des dépenses militaires et la répression de la dissidence sous le couvert de la sécurité nationale. Pour eux, l’Ukraine n’est pas un partenaire mais un pion, un champ de bataille commode pour affaiblir la Russie sans risquer leurs propres troupes.
Le coût pour les gens ordinaires
Pris en étau entre ces puissances impérialistes, le peuple ukrainien est le plus durement touché. Des millions de personnes ont été déplacées, des villes ont été réduites à l’état de ruines et d’innombrables vies ont été perdues. Pour les classes ouvrières russes et ukrainiennes, cette guerre n’offre rien d’autre que la destruction et la mort. Pour le reste du monde, elle est synonyme de militarisme exacerbé et d’instabilité économique alors que la menace d’une escalade vers un conflit mondial est brandie en permanence.
Défaitisme révolutionnaire dans la guerre en Ukraine
Le défaitisme révolutionnaire nous invite à rejeter la fausse dichotomie qui consiste à choisir entre l’OTAN et la Russie. Les deux camps représentent des puissances impérialistes qui donnent la priorité à leurs propres intérêts plutôt qu’à la vie des gens ordinaires. Le défaitisme révolutionnaire ne signifie pas l’indifférence à la souffrance de l’Ukraine ou l’opposition passive à la guerre. Au contraire, il exige une résistance active aux systèmes qui perpétuent le conflit et une solidarité avec les mouvements de la base qui les contestent.
Résister à la militarisation et au nationalisme
L’un des principes fondamentaux du défaitisme révolutionnaire consiste à s’opposer à la militarisation de la société. En Russie, cela signifie résister à la conscription et à la ferveur nationaliste qui alimente l’effort de guerre. Les militants anti-guerres en Russie ont couru d’immenses risques, allant de l’emprisonnement à la violence physique, mais ils continuent à résister. Les campagnes de désobéissance et d’insoumission, le sabotage des infrastructures militaires et les manifestations contre la guerre sont des actes d’un courage incroyable qui méritent la solidarité internationale.
En Ukraine, le défaitisme révolutionnaire consiste à remettre en question le discours selon lequel la victoire ne peut être obtenue que par la militarisation et le soutien de l’Occident. Il ne s’agit pas de nier le droit de l’Ukraine à l’autodéfense, mais de se demander si la dépendance à l’égard de l’OTAN sert les intérêts des Ukrainiens ordinaires ou si elle ne fait qu’enraciner un cycle de violence.
Dans les pays de l’OTAN, le défaitisme révolutionnaire exige de s’opposer à l’aide militaire et à la militarisation de nos propres sociétés. Les milliards dépensés en armes pour l’Ukraine pourraient être utilisés pour lutter contre la pauvreté et le changement climatique ainsi que relever les défis en matière de soins de santé – des problèmes qui touchent de manière disproportionnée la classe ouvrière. En nous opposant à cette aide, nous dénonçons l’hypocrisie des gouvernements qui prétendent soutenir la paix tout en alimentant la guerre pour le profit.
Construire la solidarité à la base
Le défaitisme révolutionnaire ne consiste pas seulement à s’opposer à la guerre, mais aussi à construire des alternatives. En Ukraine, en Russie et au-delà, les anarchistes et les anti-autoritaires organisent des réseaux d’entraide, soutiennent les réfugiés et résistent au pouvoir de l’État. Ces actions de terrain offrent un aperçu de ce à quoi peut ressembler la solidarité au-delà des frontières.
En Ukraine, des collectifs tels que Operation Solidarity ont distribué de la nourriture, des fournitures médicales et d’autres ressources aux personnes dans le besoin. Ces groupes opèrent indépendamment de l’État, remettant en cause l’idée que l’aide doit passer par des structures hiérarchiques. En Russie, les militants anti-guerres continuent de s’organiser malgré une répression sévère, démontrant que la résistance est possible même sous des régimes autoritaires.
Pour les anarchistes d’autres pays, la solidarité signifie soutenir ces efforts matériellement et politiquement. Il peut s’agir de collecter des fonds pour des groupes d’entraide, de fournir des plates-formes pour les voix anti-guerres ou d’entreprendre des actions directes contre le militarisme dans leur pays.
Le contexte mondial du défaitisme révolutionnaire
La guerre en Ukraine n’est pas un événement isolé. Elle fait partie d’un système plus large – le capitalisme mondial et l’impérialisme – qui perpétue la violence et les inégalités. Le défaitisme révolutionnaire offre un cadre pour comprendre et résister à ce système.
La guerre, symptôme du capitalisme
Sous le capitalisme, les guerres sont inévitables. Les États se disputent les ressources, les marchés et se livrent une lutte d’influence ; et les classes dirigeantes utilisent le nationalisme pour rallier des soutiens à leurs ambitions. La guerre en Ukraine en est un parfait exemple : un conflit de territoire et de pouvoir, déguisé en lutte pour la souveraineté et la sécurité.
Le défaitisme révolutionnaire expose cette réalité. Il nous met au défi de voir au-delà des récits de surface et de comprendre que les guerres ne sont pas menées pour le bien des gens ordinaires, mais pour la préservation des systèmes capitalistes et impérialistes.
Le rôle des marchands de canons
L’une des hypocrisies les plus flagrantes de la guerre en Ukraine est le rôle des fabricants d’armes. Des entreprises comme Raytheon, Lockheed Martin et BAE Systems ont gagné des milliards grâce au conflit, profitant de la souffrance des autres. Ces entreprises font pression sur les gouvernements pour qu’ils augmentent les dépenses militaires, s’assurant ainsi que les guerres restent rentables.
Le défaitisme révolutionnaire exige que nous remettions en cause cette industrie. Qu’il s’agisse de protester contre les foires aux armements ou de perturber les chaînes d’approvisionnement des fabricants d’armes, les anarchistes doivent affronter les entreprises qui tirent profit de la mort et de la destruction.
Imaginer un monde au-delà de la guerre
Le défaitisme révolutionnaire ne consiste pas seulement à s’opposer à la guerre, mais à construire un monde où la guerre est impossible. Cette vision nécessite le démantèlement des systèmes qui alimentent les conflits : le capitalisme, l’impérialisme et l’État-nation.
Vers une solidarité sans État
L’anarchisme offre une vision d’un monde sans frontières ni États, où les gens coopèrent sur la base de l’entraide et de l’humanité partagée plutôt que sur celle du nationalisme ou de la compétition. Le défaitisme révolutionnaire s’aligne sur cette vision en rejetant la légitimité des États et de leurs guerres.
Le rôle de la classe ouvrière
Le défaitisme révolutionnaire met l’accent sur le pouvoir potentiel de la classe ouvrière à perturber les efforts de guerre. Les travailleurs peuvent refuser de produire des armes, de transporter des troupes ou de soutenir l’infrastructure de la guerre. Des exemples historiques, tels que le refus des dockers italiens de charger des armes à destination d’Israël en 2021, démontrent le pouvoir de l’action collective.
Éducation et organisation
La construction d’un monde au-delà de la guerre nécessite des efforts d’éducation et d’organisation à long terme. Le défaitisme révolutionnaire doit s’accompagner du développement de structures alternatives, telles que les coopératives, les syndicats [sic !] et les réseaux d’entraide, qui peuvent remettre en cause le pouvoir des États et des entreprises.
La guerre en Ukraine nous rappelle brutalement le pouvoir destructeur de l’impérialisme. Le défaitisme révolutionnaire offre une voie à suivre, une voie qui rejette le nationalisme et le militarisme en faveur de la solidarité et de la résistance.
En tant qu’anarchistes, nous avons la responsabilité de nous opposer à cette guerre, non pas en choisissant un camp, mais en remettant en question les systèmes qui rendent les guerres inévitables. Le défaitisme révolutionnaire n’est pas passif, c’est un appel à l’action. Que ce soit en soutenant les militants anti-guerres, en s’opposant au militarisme dans notre pays ou en construisant des alternatives sur le terrain, nous devons travailler à l’avènement d’un monde où les guerres ne seront plus possibles.
Le chemin vers un tel monde n’est pas facile, mais il est nécessaire. Face à la guerre, restons unis, non pas en tant que citoyens de nations, mais en tant que membres d’une communauté mondiale attachée à la paix et à la justice.
NON À LA GUERRE SAUF LA GUERRE DE CLASSE
Traduction française : Les Amis de la Guerre de Classe / The Friends of the Class War