Cuba brûle-t-il ?

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Analyse de la crise et de la révolte actuelles à Cuba dans une perspective communiste radicale

Les faits et leurs fausses versions de droite et de gauche

Au travers d’actions de masse directes et spontanées, qu’il s’agisse de manifestations et d’assemblées auto-organisées ou de voitures de police renversées et de magasins pillés, le prolétariat de la région cubaine descend dans les rues et se soulève contre la faim et contre la tyrannie de l’État, c’est-à-dire contre les misérables conditions d’existence matérielles imposées par le capitalisme et sa crise actuelle, comme l’ont fait cette année les prolétaires des régions colombienne, birmane, iranienne et sud-africaine, et comme l’ont fait il y a deux ans les prolétaires des régions équatorienne, chilienne, haïtienne, française et irakienne, entre autres.

Avec toutes ses faiblesses, ses limites et ses contradictions internes (patriotisme, interclassisme, manque d’autonomie révolutionnaire, isolement, etc.), la révolte prolétarienne de ces jours-ci dans la région cubaine est un maillon ou un épisode de plus dans la tendance à la recomposition de la révolte prolétarienne internationale qui s’est ouverte en 2018-2019 et s’est trouvée « interrompue » par la pandémie et la dictature sanitaire contre-insurrectionnelle ou la contre-révolution préventive de 2020-2021 émanant de tous les États de cette planète.

De prime abord, rappelons l’ABC anticapitaliste en la matière : le capitalisme, la crise, le prolétariat et la lutte des classes sont mondiaux depuis qu’ils existent, soit depuis plusieurs siècles. Ce qui diffère à la fois dans et entre chaque époque historique et chaque région géographique, ce ne sont que des différences de degré et de forme, et non de nature ou de substance dans leurs conditions, relations et catégories fondamentales. Celles-ci, principalement le travail salarié et l’accumulation du capital, se sont plutôt étendues et approfondies partout au fil des années. Ainsi, tant le « socialisme cubain » que la « restauration capitaliste à Cuba après la chute de l’URSS » ont toujours été des mythes : en réalité, ce qui a toujours existé à Cuba, c’est le capitalisme et la lutte des classes, mais sous une autre forme et à un autre degré, tout comme dans l’ex-URSS et dans le monde entier. La seule chose qui ait vraiment changé depuis la chute du bloc soviétique jusqu’à aujourd’hui, c’est la prédominance du capital privé sur le capital d’État par rapport au prolétariat, qui est maintenant plus précarisé et exploité.

Par conséquent, les deux points qui suivent dans cette partie de notre analyse sont les deux versions de la fausse dichotomie entre la droite impérialiste du Capital et la gauche anti-impérialiste du Capital, c’est-à-dire entre les deux tentacules politiques de la même pieuvre monstrueuse et gigantesque qu’est le système capitaliste historique mondial.

D’une part, la droite petite-bourgeoise cubaine et l’impérialisme américain capitalisent politiquement et médiatiquement sur cette conjoncture émergente, sur la base matérielle de la crise économique, écologique, sanitaire et politique actuelle, ainsi qu’en l’absence d’une situation historique révolutionnaire et donc d’une direction révolutionnaire autonome des masses en révolte.

C’est pourquoi leur version de ces manifestations de masse est la version dominante ou celle de la fraction dominante de la classe capitaliste dans les médias, afin de rendre publique le fait que « le socialisme ne fonctionne pas » et qu’il faut intervenir militairement, politiquement, technologiquement et « humainement » à Cuba pour « rétablir la démocratie, la liberté et la paix sociale », tout comme en Haïti ou en Syrie.

D’autre part, le gouvernement « socialiste » cubain et la gauche du Capital international ne se focalisent délibérément que sur leur adversaire impérialiste de droite, afin de cacher le capitalisme et la lutte des classes réellement existants à Cuba, de manière à préserver leur pouvoir et leur image de fausse révolution et de faux socialisme/communisme, dans le style stalinien-orwellien classique, mais dans une version latino-américaine.

C’est pourquoi le gouvernement Díaz-Canel et la gauche pro-Cuba déconsidèrent ou calomnient ces manifestations de masse en les qualifiant de « froidement calculées », « ordonnées et dirigées par l’impérialisme », « manipulées », « vendues », « avec un agenda interventionniste », « avec un projet de coup d’État colonialiste », « parasites », « charognards », « mercenaires », « réactionnaires », « fascistes », « contre-révolutionnaires », etc. Ce qui, en fait, est faux, absurde, conspirationniste et cynique.

Et c’est pourquoi l’État cubain fait face à cette révolte de masse en combinant la répression policière et militaire (malgré le black-out médiatique en vigueur, au moment de publier cet article, on sait qu’il y a déjà 5 morts, des dizaines de blessés et plus de 150 détenus et disparus) avec la mobilisation de ses dernières bases sociales idéologisées et captives, ainsi qu’en recrutant de force des jeunes pour les rejoindre. Le tout accompagné de contre-manifestations tout aussi répressives (la police en rouge) où l’on crie les mêmes vieux slogans patriotiques et où l’on porte des drapeaux nationaux et des banderoles avec des photos de Fidel Castro, rappelant le culte de la personnalité dans la Russie stalinienne, ainsi que de déclarations publiques d’« anti-impérialisme, de souveraineté nationale et de socialisme ».

Mais les faits sont têtus, et quels que soient les efforts des dirigeants et de leurs larbins, la faim et la colère des masses ne peuvent être occultées.

Les causes conjoncturelles et leurs données

D’une part, il s’agit de la crise économique et sanitaire actuelle ; plus précisément, la chute spectaculaire de 11% du PIB (la pire des trois dernières décennies), de la balance commerciale (un déficit de 9 milliards de dollars, sachant que 80% des produits de consommation sont importés), des devises provenant du tourisme (la deuxième source de revenus de l’économie et de la population cubaines, après l’exportation de professionnels ou de « capital humain ») et de la production et l’exportation de sucre (en raison du manque de carburant et des pannes de machines), imputable à la pandémie, mais aussi à la réforme monétaire et des taux de change décrétée à la fin de l’année dernière par le gouvernement Díaz-Canel (appelée « Tarea Ordenamiento » [0]) qui, au lieu de contrer la crise, l’a aggravée (le remède s’est avéré pire que le mal).

Le résultat de tout cela, c’est qu’il y a actuellement du chômage, des pénuries et de l’inflation : il y a pénurie de travail, d’argent, de nourriture, de médicaments et de services de base pour la majorité de la population à Cuba (nous disons pour la majorité de la population, car la bourgeoisie bureaucratico-militaire cubaine et les touristes étrangers jouissent de toutes sortes de privilèges). Comme cela a toujours été le cas sous ce régime, mais aujourd’hui plus qu’hier, avec la circonstance aggravante de la résurgence du Covid-19 (signe de l’échec du système médical cubain surévalué et mystifié, soit dit en passant) et son impact très négatif sur la santé, l’économie et la vie quotidienne.

Plus précisément : en octobre 2020, 8 Cubains sur 10 survivaient au jour le jour, 67% des familles estimaient que leur alimentation quotidienne était insuffisante, tandis que 6 familles sur 10 ne recevaient que 5 à 10 jours d’approvisionnement par mois avec le carnet de rationnement. Après la « Tarea Ordenamiento » de décembre 2020, cette situation s’est aggravée : le chômage dans le secteur public a augmenté en même temps que la prolétarisation et le taux d’exploitation (« main-d’œuvre bon marché ») dans le secteur privé ; les services et les produits du « panier de la ménagère » ont augmenté de 500 à 600% (l’électricité, l’eau et les médicaments sont devenus pratiquement inabordables), et tant les transferts de fonds des familles à l’étranger que les dépôts bancaires locaux ont été partiellement et temporairement « bloqués » ou « gelés » par l’État. À tout cela s’ajoute une augmentation des cas d’infection (plus de 275 000 personnes) et de décès (plus de 1 800 personnes) due à la résurgence du Covid-19 sur l’île. Il est également très probable que les cas de dépression et de suicide aient augmenté.

En d’autres termes, il s’agit d’un malaise social qui s’accumule quotidiennement depuis des décennies, qui s’est exacerbé depuis l’année dernière et qui a fini par exploser cette année, pour les raisons mentionnées ci-dessus. La majorité de la population cubaine est plus affamée, plus malade et plus désespérée qu’auparavant.

C’est pourquoi aujourd’hui, au cri de « nourriture, électricité et vaccins », les personnes dépossédées et affamées à Cuba descendent dans la rue pour protester en masse, comme elles ne l’ont pas fait depuis des décennies. On pourrait donc dire que nous avons affaire cette année à une « révolte de la faim », comme celles qui ont éclaté dans le monde entier en 2008, année de la crise alimentaire. Tout cela dans le contexte de la crise de valorisation qui caractérise la crise actuelle du capitalisme, comme toile de fond.

D’autre part, c’est la crise politique ; plus précisément, le « manque d’institutions démocratiques » ou de « pouvoir populaire » pour canaliser et amortir les revendications sociales. Il ne s’agit pas d’une « erreur dans la construction du socialisme » ou d’une « contradiction de la révolution », car à Cuba, cette révolution n’existe pas, mais plutôt que, même du point de vue politico-démocratique de la « gouvernance » et de l’« hégémonie », le régime cubain n’est plus légitime ni durable, si ce n’est par la répression et le mensonge institutionnalisées (par exemple par le biais des « Comités de défense de la révolution » − CDR).

Or, d’un point de vue anticapitaliste et antiétatique, l’autre cause conjoncturelle (avec des éléments de cause structurelle) de cette révolte, c’est le pouvoir totalitaire que la bureaucratie étatique privilégiée exerce sur la population dans ce camp de concentration caribéen ou goulag tropical qu’est Cuba. Plus exactement, la dictature capitaliste et bureaucratico-militaire du Parti « Communiste » Cubain (PCC) de la fortunée et puissante famille Castro et du Grupo de Administración Empresarial S.A. (GAESA) d’autres caudillos militaires (propriétaires et actionnaires de plus de la moitié des entreprises, des bénéfices et même des « Panama Papers » de ce pays) sur le prolétariat (de plus en plus précarisé, exploité, aliéné et opprimé) comme le fut en son temps l’URSS de Lénine et de Staline, ainsi que la Chine de Mao (cette dernière jusqu’à aujourd’hui, avec la Corée du Nord et le Venezuela).

La différence évidente entre Cuba et la Russie ou la Chine, c’est que, au milieu du siècle dernier, le premier est devenu la nouvelle petite colonie sucrière, avec un chef militaire « charismatique » à sa tête, de ces grandes puissances capitalistes-impérialistes asiatiques qui se faisaient passer pour des « communistes ». Et que, contrairement à ces dernières, qui sont aujourd’hui encore des puissances mais déjà hyper-modernisées, la première est restée figée et rouillée dans le passé, ce qui en a fait néanmoins une capitale touristique pour la classe moyenne aisée européenne et nord-américaine, ainsi qu’un fétiche d’attachement émotionnel nostalgique pour son alter ego la gauche latino-américaine du Capital, qui défend religieusement et viscéralement le mythe du « socialisme cubain ».

Au contraire, le prolétariat anonyme de la région cubaine en a marre de vivre de cette façon. Il en a marre de tant de misère et d’oppression étatique. C’est pourquoi, ces jours-ci, il est descendu en masse dans les rues en criant « à bas la dictature » et « liberté ».

En ce sens, il ne s’agit plus seulement d’une « révolte de la faim » mais aussi d’une révolte politique, où malheureusement, en l’absence d’une situation historique et internationale révolutionnaire, l’instinct de classe et la spontanéité ne suffisent pas. Le prolétariat cubain a également été sous-développé et réprimé dans sa lutte révolutionnaire par l’État cubain. Pour cette raison, cette révolte est capitalisée politiquement et médiatiquement par la fraction de droite et impérialiste du Capital mondial, tandis qu’elle est réprimée physiquement et symboliquement par la fraction de gauche et anti-impérialiste du même Capital mondial.

En d’autres termes, le prolétariat en révolte sur « L’île » se trouve littéralement isolé, désarmé et attaqué à tous égards. Et, comme le montre l’histoire de la lutte des classes, l’isolement condamne toute révolte –et toute révolution– à la défaite.

Les causes structurelles et leurs données

Il ne s’agit PAS du « blocus impérialiste » (comme le répètent les fanatiques du régime castriste-stalinien) : les États-Unis sont le 9ème fournisseur de biens importés sur l’île. Depuis l’année 2019, 32 grandes entreprises américaines (telles que Visa, Accor, Mastercard ou Amazon) investissent dans ce pays. En outre, Cuba commerce avec 170 pays et actuellement la Chine prend une part de 40 % dans ses exportations.

Il ne s’agit pas non plus d’un « État ouvrier dégénéré » inexistant ni d’une « restauration capitaliste » à Cuba depuis les années 1990 (comme le soutiennent les trotskystes) parce que le Capital –compris comme un rapport impersonnel et fétichiste de production et de reproduction sociale, et non comme une simple propriété juridique ou formelle des moyens de production– ne peut être restauré là où il n’a jamais été extirpé, et parce que la seule chose qui a réellement changé depuis lors, c’est la prédominance du capital privé par rapport au capital étatique sur le prolétariat de plus en plus précarisé et exploité.

Alors, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit de la crise économique, politique et sociale du Capitalisme d’État [*] cubain sous-développé qui, à son tour, est dépendant du marché mondial. C’est le mythe du « socialisme cubain » qui s’effondre dans les faits sous son propre poids ou à cause de ses contradictions capitalistes et de ses luttes de classe internes, non pas depuis la chute de l’URSS, mais depuis ses débuts en 1959 et encore plus aujourd’hui dans la deuxième décennie du XXIe siècle, à cause de la crise générale et multidimensionnelle du capitalisme mondial, qui se manifeste concrètement dans la crise économique et sanitaire actuelle, et qui s’accompagne de protestations et de révoltes prolétariennes de plus en plus fréquentes et explosives mais, en même temps, de courte durée et sans direction révolutionnaire autonome et énergique des masses elles-mêmes, en l’absence d’une situation historique révolutionnaire.

Ce contexte historico-structurel et global de catastrophe capitaliste généralisée et de lutte des classes non révolutionnaire, marqué par un développement inégal, le chaos, les troubles et l’incertitude, est ce qui explique réellement les crises, les protestations et les révoltes dans toutes les nations de la planète ces dernières années, dont la révolte actuelle à Cuba n’est qu’un épisode de plus, bien qu’avec ses particularités susmentionnées.

Conclusions et perspectives générales

Compte tenu du contexte mondial actuel de catastrophe économique et écologique-sanitaire, de contre-révolution préventive et de révoltes éphémères sans direction révolutionnaire autonome des masses, qui se manifeste aujourd’hui avec le plus d’acuité dans des pays comme Cuba, il est très probable que cette révolte prolétarienne contre la faim et la tyrannie étatique continuera à être capitalisée politiquement et médiatiquement par la droite petite-bourgeoise de ce pays, par l’impérialisme américain et ses acolytes internationaux ; que la bourgeoisie d’État « socialiste » continuera à la calomnier et à la réprimer jusqu’à sa défaite, sous prétexte qu’elle est « contre-révolutionnaire », également avec l’approbation de ses acolytes internationaux de gauche ; et que les masses exploitées et opprimées de la région cubaine continuent à accumuler la faim, la maladie, le désespoir, la rage, l’expérience de la lutte et les leçons de celle-ci jusqu’à un nouveau cycle d’explosions sociales du prolétariat international contre le capitalisme mondial (qui, selon le FMI lui-même, est susceptible de se produire à partir de 2022).

Mais, pour ceux d’entre nous qui font l’effort de voir la réalité sans œillères idéologiques ou mystificatrices, cette révolte prolétarienne spontanée a au moins le mérite de détruire, dans les faits et en plein XXIe siècle, le mythe du « socialisme cubain » et sa base idéologique qu’est le marxisme-léninisme, car en réalité, ils ne sont rien d’autre que le capitalisme pour l’un et la social-démocratie « radicale » pour l’autre. En un mot : ils ne sont pas la révolution, ils sont la contre-révolution. Le régime politico-militaire-entrepreneurial du Parti « Communiste » Cubain et de son holding GAESA ne défend aucune révolution. Il défend la contre-révolution capitaliste et sa dictature sur le prolétariat de cette région. Il s’agit de la fraction gauchiste, étatiste et anti-impérialiste du Capital mondial dans les Caraïbes. Ceux qui défendent ce régime sont donc tout aussi contre-révolutionnaires, même s’ils croient et prétendent être le contraire.

Pour être encore plus clair et ne pas se prêter aux déformations grossières et malveillantes de la part de la droite comme des gauchistes du Capital : la cause de la crise et de la révolte actuelles à Cuba, ce n’est PAS que « le socialisme ne fonctionne pas », et ce n’est PAS non plus « le blocus impérialiste » des USA. Face à tant de fausses nouvelles et analyses des deux côtés, typiques de la fausse dichotomie gauche/droite, il convient de souligner l’ABC anticapitaliste autonome à cet égard : ce qui existe à Cuba n’est PAS le socialisme ou le communisme, c’est le capitalisme pur et dur ; plus précisément, c’est un Capitalisme d’État sous-développé qui participe de manière subordonnée et dépendante au marché mondial, et qui est aujourd’hui en crise parce que le capitalisme historique et international est en crise.

Pourquoi est-il en crise ? Parce qu’il ne peut y avoir de « socialisme dans un seul pays », puisque le capitalisme est mondial. Parce que la nationalisation ou l’étatisation de l’agriculture, de l’industrie, du commerce et des banques, ce n’est pas la même chose que l’abolition réelle –et pas seulement formelle ou juridique– de la propriété privée des moyens de production, de distribution et de consommation. Et, surtout, parce que dans le communisme il n’y a pas de production de marchandises, de travail salarié, d’extraction de la plus-value, de loi de la valeur, de marché, de concurrence, d’entreprises, d’accumulation de capital, d’argent, de classes sociales, d’État, de patriarcat, de mafias, de corruption, de prostitution ou de frontières nationales. Au contraire, tout cela existe à Cuba, non pas comme des catégories abstraites mais comme des réalités très concrètes et quotidiennes. Oui, à Cuba, il existe des classes sociales : exploiteurs et exploités, oppresseurs et opprimés, dominants et dominés. C’est pourquoi il y a une lutte de classe à Cuba, dont une preuve irréfutable, ce sont les protestations au cours des derniers jours des masses prolétariennes, tous secteurs, sexes, « races » et générations confondus, contre l’État capitaliste déguisé en « socialiste » dans ce pays.

En fin de compte, quelle que soit la version, la forme ou l’apparence, le système qui en réalité ne fonctionne plus, c’est le capitalisme. Cependant, il survit encore au milieu de son pourrissement, en raison du manque de conditions et de situations révolutionnaires que seules les contradictions structurelles mêmes du capitalisme et les luttes de classe réelles en cours peuvent produire (lesquelles sont des phénomènes de masse matériels et spontanés, qui s’étendent d’ailleurs sur plusieurs générations), et non la conscience, l’idéologie, la propagande, la volonté et l’activisme politique de quelques organisations et individus de gauche et d’ultragauche.

La perspective communiste radicale contenue dans cette analyse de la situation actuelle est le produit, non pas de quelques esprits brillants et délirants, mais de la lutte de classe historique mondiale elle-même et de notre situation concrète de vie et de lutte. Dans ce cadre, nous, communistes antiétatiques et internationalistes, sommes du côté des exploités et des opprimés qui luttent pour leur vie sans représentants ni intermédiaires et quelle que soit leur nationalité, car nous, prolétaires, n’avons pas de patrie. En fait, l’un des slogans les plus contre-révolutionnaires qui soient est celui de « la patrie ou la mort », tel qu’il est répété automatiquement par l’actuel gouvernement cubain de gauche et ses partisans non critiques, ici et partout. D’autre part, nous sommes contre toutes les formes de capitalisme et d’État-nation, y compris l’« État socialiste » qui est en réalité un Capitalisme d’État, lui-même déterminé par le marché mondial. Par conséquent, nous sommes à la fois contre la droite et la gauche du Capital, car les deux ne sont pas antagonistes mais des concurrents complémentaires et alternatifs dans l’administration de l’État capitaliste et de son économie. Dans le cas de Cuba, la gauche du Capital dans l’État est une bureaucratie politico-militaire-entrepreneuriale qui exploite le prolétariat et extrait de la plus-value sur son dos, qui le surveille et le réprime brutalement, qui fait des affaires juteuses avec des entreprises transnationales, et qui a soutenu les dictatures sanglantes d’autres pays, de gauche comme de droite.

En bref, nous sommes contre le capitalisme, ses défenseurs de droite et ses faux détracteurs de gauche. En même temps, nous sommes pour l’autonomie prolétarienne exprimée dans l’action directe et l’auto-organisation des masses, pour la rupture révolutionnaire et la révolution communiste mondiale. Parce que l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ou ne sera pas. Car sans rupture avec les fausses critiques et les fausses alternatives au capitalisme, il n’y aura pas de révolution. Et parce que la révolution sera anti-marché, anti-État et internationale ou ne sera pas.

C’est pourquoi, dans le contexte historique et mondial actuel qui est toujours contre-révolutionnaire, nous sommes favorables aux protestations et révoltes prolétariennes partout contre les misérables conditions matérielles d’existence de notre classe et contre tous les gouvernements du Capital, comme l’est la révolte actuelle à Cuba, malgré toutes ses faiblesses, limites et contradictions. Parce que la meilleure « école de formation » pour le prolétariat, c’est la lutte des classes, et c’est, à son tour, la seule façon de produire des crises révolutionnaires et des germes de communisme et d’anarchie. Par-dessus tout, nous sommes en faveur des luttes qui montrent des germes et des tendances d’autonomie de classe et une rupture avec les conditions capitalistes et surtout avec leur propre condition en tant que classe exploitée et opprimée. Ces germes sont visibles dans les révoltes de ces dernières années. Sans cesser d’être objectifs et critiques à leur égard. Avec la perspective que les contradictions et les conflits sociaux s’exacerbent, que le rapport de force s’inverse, que la révolte prolétarienne mondiale revienne, et que celle-ci se critique et se dépasse pour devenir une révolution sociale internationale –non pas politique mais sociale.

Une révolution dans laquelle tout ce qui existe est insurrection et communisation, afin de mettre un terme à la catastrophe capitaliste actuelle et de créer une vie digne d’être vécue pour tous, partout, y compris dans la région cubaine. Une révolution qui, sur la base de l’abolition du travail salarié et de l’échange de marchandises, entraîne l’abolition de la société de classes, de genres, de « races » et de nationalités. Et en la remplaçant par de nouveaux rapports sociaux, multiples, non marchands, non réifiés, non hiérarchiques, entre individus librement associés, sans séparations ni frontières d’aucune sorte, en équilibre avec la nature.

Entretemps, le capitalisme et la lutte des classes continueront à se développer de manière inégale et catastrophique sur la planète entière, jusqu’à ce que l’humanité n’ait pas d’autre choix que le communisme ou l’extinction. Rien ni personne n’échappera à cela. Cuba aujourd’hui n’est qu’un épisode critique de plus dans ce drame historique mondial en cours.

Prolétaires en colère

Quito, juillet 2021

[0] « Tarea Ordenamiento » : réforme financière qui visait à augmenter les réserves en dollars du gouvernement (en baisse à cause de l’impact du Covid-19 sur le tourisme et la capacité à envoyer des médecins cubains à l’étranger) en dévaluant le peso et en convertissant toutes les épargnes privées dans les banques d’État du dollar en peso, en interdisant l’achat de dollars aux particuliers et en facturant en dollars les marchandises dans les magasins d’État. [Note du traducteur]

[*] Il faut préciser ici que « Capitalisme d’État » est une expression inventée et utilisée par certains secteurs de la gauche communiste historique pour dénoncer le caractère capitaliste des « pays communistes » comme l’URSS, dénommés ainsi à tort tant par la gauche que la droite du Capital, puisque le capitalisme est mondial et que, par conséquent, le communisme ne peut être que mondial. Et surtout, parce que dans ces pays, les relations et les catégories capitalistes fondamentales (valeur, marché, entreprise, travail salarié, accumulation de capital, argent, classes sociales, État, idéologie…) n’ont jamais disparu, mais sont restées intactes et ont continué à se développer. En réalité, le Capital et l’État sont inséparables : dans cette société, l’État ne peut être que l’État du Capital, puisqu’il est la synthèse et le point culminant institutionnel des rapports sociaux capitalistes de base, qui en retour administre par la violence et d’autres appareils de domination ces rapports, même s’il adopte différentes formes, niveaux et administrateurs, comme dans ce cas une bureaucratie autoproclamée « communiste » ou « socialiste » sur la base de la propriété étatique des moyens de production de marchandises et de la plus-value. Par conséquent, du point de vue communiste, il est strictement correct de parler du capitalisme tout court et non du capitalisme d’État. Mais, dans cet article, nous utilisons cette expression imprécise en raison de sa charge historique spécifique susmentionnée, ainsi que pour souligner la critique communiste de tous les types d’État. Considérant également que de nombreux lecteurs ne sont pas familiarisés avec ces concepts et ces débats.

La même logique de fond s’applique d’ailleurs à l’expression tout aussi fausse de « néolibéralisme » ou de « capitalisme libre-échangiste », dont usent et abusent en revanche les sociaux-démocrates anti-néolibéraux et néo-keynésiens, alors qu’en réalité « la main invisible du marché » ne peut fonctionner sans « la main de fer de l’État » et vice versa. Un autre exemple de la fausse dichotomie gauche/droite que la perspective communiste critique et brise en affirmant que le communisme est la contraposition vivante et l’abolition/dépassement à la fois du marché et de l’État.

Source en espagnol : http://proletariosrevolucionarios.blogspot.com/2021/07/analisis-de-la-actual-revuelta-en-cuba.html

Traduction française : Los Amigos de la Guerra de Clases

Retour en 1994 :

Cuba ou la fin du « socialisme » tropical

Arafat se brûlant les doigts en Palestine, Mandela ne sachant déjà plus où donner de la tête en Afrique du sud, une autre formalisation de l’Etat (plus ancienne), va bientôt trouver son épilogue : Cuba. Durant les années ’60 et ’70, il était de bon ton pour tout étudiant « contestataire » d’avoir dans sa chambre un poster du « Che » symbolisant la victoire du lilliputien « socialisme tropical », version cubaine aux portes du plus terrible des impérialistes planétaires, l’oncle Sam. Seulement voilà, là comme partout ailleurs, les contradictions qui minent toujours plus fortement le Capital produisent l’inexorable disparition d’une autre illusion que la bourgeoisie mondiale a entretenue à destination des prolétaires pendant plusieurs années : l’existence d’un paradis tropical qui allierait le sable, les cocotiers, la salsa et la révolution sociale. Foutaises, balivernes dont ne rêvent plus que quelques gauchistes orphelins qui s’accrochent à Cuba comme à leur ultime espoir.

La réalité est bien plus prosaïque que cette carte postale pour touristes sociaux en manque de sensation. Depuis des années, le prolétariat vit dans sa chair que ce « socialisme » tropical n’a strictement rien de différent des autres bagnes salariés qui composent l’enfer capitaliste aux quatre coins du monde. L’équipe castriste au pouvoir, comme toutes les fractions bourgeoises d’ailleurs, est chaque jour d’avantage acculée à prendre des mesures qui attaquent directement les conditions de survie merdiques dans lesquelles se débattent les prolétaires. Pour rester compétitive dans la course catastrophique au profit, la bourgeoisie locale peinte au radicalisme le plus rouge est obligée de faire ce que toutes les fractions bourgeoises font aujourd’hui : solidifier la paix sociale autour d’un « nouvel effort national » appelé « plan d’embauche », « plan global », « défense des acquis socialistes »,… pour relancer un nouveau cycle d’accumulation du Capital et extraire encore et toujours plus de plus-value de la marchandise force de travail. Le Capital, pour remplir ses coffres-forts, a besoin de tranquillité, de paix sociale. Grèves, sabotages, refus de travailler pour rien,… émeutes, pillages,… ne sont jamais des conditions dans lesquelles il peut se développer et assurer sa reproduction toujours plus élargie.

La disparition du bloc soviétique, sur lequel l’équipe actuelle des gestionnaires cubains s’était alignée dans la confrontation mondiale inter-bourgeoise, a aiguisé les contradictions qui minent ce minuscule bagne salarial perdu dans la mer des Caraïbes. Très vite, les différents gouvernements qui se succèdent régulièrement depuis 1989 ont dû prendre une série de mesure pour faire face à l’arrêt brutal des relations commerciales avec l’ex-bloc soviétique. Les échanges commerciaux des pays de l’Est vers Cuba avaient jusque-là autorisé le gouvernement cubain à octroyer certains avantages sociaux comme la gratuité de la médecine, de l’éducation, des transports,… Cette petite boutique du « socialisme réel » était tenue à bout de bras par l’empire soviétique comme une provocation permanente devant le supermarché rutilant de marchandises de l’oncle Sam. Aujourd’hui, la boutique n’est plus qu’un anachronisme faisant bien pâle figure. Le dépôt de bilan, la faillite guette les gestionnaires actuels.

Pour éviter tout cela, la bourgeoisie va changer son fusil d’épaule, ranger les vieilles recettes d’exploitation héritées du grand frère soviétique et se mettre au diapason de la dite « économie de marché ». En août 1993, la « dollarisation » de l’économie est annoncée comme un bouleversement, alors que dans la pratique le dollar a remplacé depuis fort longtemps le papier local à l’effigie du « socialisme » insulaire. Dans la foulée, certaines propriétés d’Etat sont transformées en coopératives, des investissements étrangers sont favorisés,… entraînant immanquablement des « dégraissages d’effectifs », en d’autres mots des remerciements pour bons et loyaux services à la « patrie socialiste » et la mise au chômage. Pour faire face à l’absentéisme important dans les fabriques d’Etat, la privatisation est accélérée. En intéressant directement les salariés aux bénéfices de leur entreprise, les bourgeois espèrent stimuler une production qui s’est, en quelques mois, effondrée malgré les campagnes de mobilisation massive et l’encadrement du travail par des unités militaires permanentes.

Au premier semestre de 1994, les hausses des prix des transports, de l’essence, de l’électricité, de l’eau, des cantines d’entreprise, etc. achèvent de briser la vitrine du magasin appelé « socialisme cubain ». La situation devient si préoccupante que l’Etat mondial par l’intermédiaire du FMI se penche sur le cercueil du dernier paradis « socialiste ». Un plan « d’ajustement » est ébauché par l’ancien ministre espagnol de l’économie Solchaga qui sans aucune surprise ne voit qu’une seule et unique solution pour sortir de « la crise » : renforcer la discipline au travail et privatiser les entreprises non rentables, c’est-à-dire les trois-quarts. Si cette mesure était réellement appliquée, elle devrait entraîner un véritable séisme social : la mise au chômage massif de plus de 3,5 millions de prolétaires. Ce qui correspond à plus de 30% de la population. Et ce après de longues années de plein emploi artificiel, mais garant de la paix sociale.

La crainte des conséquences sociales de ce plan sont si sérieuses que l’équipe dirigeante actuelle semble comme tétanisée. Une importante agitation se fait jour au sein même des entreprises. Des « débats houleux » se déroulent entre les dirigeants et les prolétaires. Rien n’est sérieusement décidé sur la thérapie de choc que propose le FMI. Entre temps tous les bourgeois sont au chevet du malade cubain pour éviter qu’une fièvre sociale ne l’emporte. De nombreuses délégations étrangères visitent le pays comme au bon vieux temps des experts soviétiques. Une délégation patronale française donne le diagnostic : « Cuba pourrait être un marché émergent avec un bon potentiel ». Reste à assurer la paix sociale. Malheureusement pour les requins financiers français, l’équipe dirigeante actuelle ne fait pas le poids et se réfugie dans un immobilisme qu’aucune opposition intérieure crédible ne peut briser.

Sortant de sa torpeur, l’équipe castriste envisage une nouvelle série de mesures qu’elle n’ose pas appliquer immédiatement vu les menaces d’explosion sociale. Peut-être pour la fin de l’année 1994 ? Rien n’est moins sûr… Entre temps, d’autres réjouissances sont prévues pour les prolétaires du coin : la suppression des subventions alimentaires, la fermeture progressive des entreprises non-rentables, la limitation du versement des allocations de chômage à trois mois,… le tout justifié comme des sacrifices nécessaires au nom de la « patrie socialiste en danger » et de la promesse de « lendemains meilleurs ».

Mais l’éternelle rengaine ne prend décidément plus. Des milliers de prolétaires tentent de quitter l’île en espérant trouver de quoi survivre aux Etats-Unis. Tous les moyens sont bons pour construire un radeau. Des familles entières se cotisent pour acheter au marché noir, à des prix exorbitants, une ou deux bouées afin d’échapper à l’enfer cubain. Le gouvernement de Castro laisse faire, trop content de se débarrasser de ces prolétaires remuants et d’évacuer, du même coup, vers un concurrent direct, les USA, le trop plein de bouches à nourrir dont il ne sait que faire.

Mais la réaction prolétarienne ne se limite pas à quitter Cuba. Sur place, plus personne n’est dupé par les promesses démagogiques des bourgeois déguisés en guérilleros. Les prolétaires ne croient plus aux slogans qui recouvrent les murs, ils refusent de se sacrifier plus longtemps sur l’autel de la production nationale.

Le 5 août 1994, à nouveau des luttes éclatent dans une île où, paraît-il, elles avaient définitivement disparu. De violentes émeutes secouent dans la zone portuaire de La Havane, s’étendant aux quartiers ouvriers environnants. Plusieurs milliers de prolétaires, « des éléments antisociaux, des délinquants », comme les nomment la propagande castriste pour les discréditer, dont certains voulaient fuir en masse la misère du « socialisme » en prenant d’assaut des bateaux, s’affrontent aux flics et s’attaquent à des bâtiments administratifs et à divers établissements. Devant la violence des événements, les flics doivent riposter en faisant usage de leurs armes à feu, faisant plusieurs dizaines de blessés ; un flic sera tué.

Aujourd’hui, encore trop peu d’informations filtrent sur la situation sociale réelle dans l’île. Le black-out entretenu par la bourgeoisie locale est relayé mondialement par tous les mass-médias qui préfèrent nous parler d’événements moins dangereux. Alors que tous les apologistes de cette caricature de « socialisme » trompettent que Cuba est victime d’une « vaste campagne de propagande menée par les impérialistes », nous ne constatons qu’une chose : la bourgeoisie doit occulter la véritable nature des luttes qui se déroulent dans cette région, comme dans d’autres. Et pourtant, dans un passé proche, le prolétariat a déjà exprimé son ras-le-bol de la misère. Ainsi, en août 1993, dans plusieurs quartiers de La Havane, des « actes de vandalisme » et des « incidents sporadiques » manifestent notre exaspération devant les interminables coupures d’électricité, entre autre. En juillet 93, de très violents incidents éclatent dans le port de Cojimar où les prolétaires s’opposent violemment aux flics qui venaient de tirer sur des candidats à l’exil, faisant au moins 3 morts.

Toutes ces informations ne seraient que des « rumeurs », des « ragots » colportés par « la cinquième colonne yankee ». Et pourtant, le très « socialiste » ministre des affaires étrangères cubain doit admettre une « certaine tension en province » et des « incidents provoqués par des civils ayant volé des armes et des uniformes dans la région de Guantanamo ». D’autres « rumeurs » font état de « malaises internes », de départs pour l’exil de fils de dignitaires, de défections importantes dans les rangs du P« C »C, de limogeages de membres des brigades de choc Blas Roca pour « indiscipline ». Décidément, rien ne va plus dans le casino cubain ! L’Etat pourra-t-il encore compter sur ses forces de l’ordre (7), elles aussi traversées par les contradictions sociales, minées par les désertions et les « trahisons » ?

Le 19 août 94, le président américain Clinton annonce que les prolétaires cubains qui fuient la misère ne se verront plus accorder automatiquement le statut de « réfugié politique ». Ils seront parqués sur la base de Guantanamo (8) où croupissent déjà 15.000 boat-people haïtiens. La veille, ces prolétaires « haïtiens » se sont révoltés contre leurs conditions de survie et ont affronté les militaires américains dans une violente émeute blessant 4 soldats US. Les 20 et 21 août, la révolte continue sur la base de Guantanamo transformée en camp de concentration. Le bilan des affrontements du week-end est de 65 blessés. Finalement un accord intervient entre « l’impérialiste yankee » et le « socialiste Castro » pour mieux contrôler l’afflux d’immigrants : contre la promesse d’investissements américains à Cuba, le gouvernement de l’île s’engage à empêcher par la force tout nouveau départ de prolétaires vers les USA.

Ces accords entre « frères ennemis » se comprennent d’autant mieux qu’aux USA même, la stabilité sociale est loin d’être garantie. La Floride est devenue une véritable poudrière sociale avec l’afflux toujours plus important de boat-people, non seulement d’Haïti ou de Cuba, mais aussi d’un grand nombre d’îles des Caraïbes ainsi que d’Amérique latine. La bourgeoisie américaine est très peu friande de voir se reproduire chez elle de nouvelles émeutes comme celle de Los Angeles de 1992 ou de celles qui embrasèrent Miami à plusieurs reprises durant les années 1980. Sortant de leurs quartiers de misère, de ces cloaques dans lesquels le « rêve américain » ne peut que les enfermer, des prolétaires de toutes origines, « cubains », « haïtiens » et autres « latinos », avaient fait voler en éclats le mythe de Miami, la vitrine dorée de l’Amérique en face de la « misère socialiste ». C’est pour cela que Clinton a rapidement éjecté les militaires duvaliéristes du pouvoir en Haïti et aidé Castro à Cuba à fixer, par la force, les prolétaires dans la zone où ils sont condamnés à valoriser l’être suprême mondial : le Capital. Les USA n’ont rien de plus à offrir aux prolétaires du coin que ce qu’ils trouvent sur place : toujours plus de misère, toujours plus d’exploitation.

Avec la fin de la polarisation du monde en deux grands blocs, la bourgeoisie triomphante nous avait annoncé la naissance d’une nouvelle aube pour l’Humanité. Le « nouvel ordre économique” tant vanté n’est finalement rien d’autre qu’un gigantesque désordre où s’affrontent toujours plus violemment les différentes fractions du Capital. L’état catastrophique dans lequel s’enfonce chaque jour le Capital ne peut appeler, à court ou à moyen terme, qu’à une seule et unique réponse de la part du prolétariat : la révolution mondiale !

Mais, si nous savons que le communisme est un fait inéluctable, déjà advenu, que sa réalisation est inscrite comme dépassement des contradictions du rapport social capitaliste ; nous savons aussi que le prolétariat doit s’organiser en classe, en parti. Notre tâche essentielle aujourd’hui est de structurer, de centraliser les noyaux de communistes qui émergent des luttes du prolétariat partout sur cette planète. Nos perspectives de bouleversement total de l’ordre social ne se limitent pas à telle ou telle région du monde, mais se situent clairement dans une attaque internationale et internationaliste. Pour ce faire, nous appelons tous les militants de notre classe à faire circuler les informations des luttes qui éclatent partout sous le soleil noir du monde de la valeur, et à centraliser cette activité pratique !

– Septembre 1994 –

(7) A Cuba, l’Etat dispose de forces anti-émeutes estimées à 50.000 hommes des troupes spéciales du ministère de l’intérieur, 10.000 hommes des brigades de choc Blas Roca (du nom d’un vieux dirigeant de la « révolution ») et d’environ 1 million de miliciens (les « contingents de travailleurs d’élite ») théoriquement mobilisables en cas de coup dur.

(8) Base militaire US située sur le territoire cubain, au sud de l’île, dont la concession fut « accordée » suite à une opération américaine de maintien de l’ordre menée en… 1898 ! A noter que la bourgeoisie tire rapidement les leçons des luttes précédentes, puisqu’aujourd’hui elle ne reproduit plus l’erreur de parquer dans des camps disséminés partout aux USA les prolétaires comme elle le fit lors de l’exode massif de 1980. A cette époque, des révoltes éclatèrent entre autre au camp de Fort-Chafee dans l’Arkansas, Etat dont le gouverneur n’était autre qu’un certain… Bill Clinton ! C’est bel et bien pour circonscrire de telles révoltes et mieux les gérer, que les prolétaires fuyant le « paradis socialiste » sont expédiés manu-militari à Guantanamo.

Source : Communisme N°41 – Décembre 1994

Lisez aussi :

Le mythe du « socialisme cubain » : le gauchisme bourgeois travesti en communisme

Source : Communisme N°45 – Avril 1997

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